Projet de loi PACTE / Ce qu’il va changer pour les entreprises (I)

Le projet de loi PACTE (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), adopté le 9 octobre par l’Assemblée nationale, doit être examiné par le Sénat en janvier 2019.  Il devrait être voté définitivement au printemps prochain. Ce texte très long, touffu, très technique et un peu fourre-tout, vise paradoxalement à « simplifier la vie des entreprises et faciliter leur croissance »… Nous commençons la présentation de quelques-uns des 72 articles du projet de loi qui auront un impact direct sur la vie des PME.

 

1. Simplifier la création d’entreprises

 

§ L’article 1 du projet de loi doit permettre de procéder à la création d’entreprise 100% en ligne et à moindre coût à partir du 1er janvier 2021.

Jusqu’à présent la procédure demeure relativement complexe et peu lisible, les formalités d’immatriculation étant réalisées auprès de sept réseaux de centres de formalité.

PACTE prévoit d’ y substituer une plateforme en ligne comme unique interface pour les créateurs d’entreprise.

A ce stade, on suppose qu’il s’agira d’un portail commun, lequel retransmettra directement les inscriptions aux différents organismes compétents. Il est en effet précisé officiellement que « les réseaux d’accompagnement des créateurs d’entreprise gardent leurs missions d’accueil et de conseil. De même qu' »une assistance à l’accomplissement des formalités pour aider les entrepreneurs éloignés du numérique sera maintenue dans les centres de formalités actuels. »

« Un guichet unique »

« Actuellement, le créateur peut réaliser certaines démarches en ligne mais, même dans ce cas, il doit s’adresser aux systèmes d’information des différents organismes, car il n’existe pas de guichet unique. Nous simplifions sa démarche en créant un guichet unique qui lui évitera de devoir se rendre sur différents sites internet et de suivre différentes procédures« , se félicite  le ministre de l’économie et des finances Bruno Le Maire.

§ L’article 2 prévoit la création d’un registre des entreprises dématérialisé.

L’objectif est d’éviter les coûts redondants et de simplifier les démarches administratives concernant la création d’entreprise.

Aujourd’hui, plus de 800 000 entreprises sont immatriculées dans plusieurs registres, cela induit des coûts supplémentaires inutiles. Un registre général dématérialisé centralisera et diffusera les informations relatives aux entreprises actuellement contenues dans les registres du commerce et des sociétés, aux répertoires des métiers et aux registres des actifs agricoles. Il sera progressivement mis en place à horizon 2021 et sera accessible en ligne.  Ce registre général a pour but de fusionner les deux principaux registres actuels, les registres du commerce et des sociétés, et celui des métiers.

Simplifier la création des entreprises artisanales

§ L’article 4 supprime l’obligation de suivre le stage de préparation à l’installation (SPI).  Ce stage, d’un coût fixé à 194 €, sera rendu facultatif, ce qui rétablira l’égalité entre les artisans et les autres travailleurs indépendants dont le stage d’initiation à la gestion (SIG) est déjà facultatif.

Il est toutefois précisé qu' »afin de garantir un accès à ces stages à tous les créateurs d’entreprises qui le souhaiteront, les chambres des métiers et de l’artisanat continueront d’être obligées de proposer ce stage… »

Le statut du conjoint salarié deviendra la règle « par défaut »

L’ Assemblée nationale a par ailleurs adopté un amendement relatif au statut de conjoint-collaborateur.

Olivia Grégoire, députée LRM de Paris, présidente de la commission spéciale sur le projet de loi PACTE

30 % des chefs d’entreprises travaillent avec leur conjoint, à temps partiel ou à temps complet. Et près d’un tiers de ces conjoints ne sont protégés par aucun des trois statuts déjà existants (conjoint collaborateur, conjoint salarié et conjoint associé). Cette situation crée des risques importants pour les entrepreneurs : risques pénaux pour dissimulation d’activité, requalification en salariat de l’activité du conjoint avec paiement de cotisations sociales majorées de pénalités, contentieux en cas de divorce… Cette situation protège mal leurs conjoints, qui sont très majoritairement des femmes.

Cet amendement du Gouvernement, préparé en concertation avec Olivia Grégoire, présidente de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi, fait obligation au chef d’entreprise de déclarer l’activité du conjoint dans les formulaires de création d’activité; le statut de conjoint salarié devient le statut par défaut. « Depuis de longues années, des femmes travaillent auprès de leurs maris artisans, et ne sont pas protégées« , plaide Olivia Grégoire.

2. La réforme des seuils sociaux

 

§ L’article 6 du projet de loi réforme les modalités d’application des multiples obligations qui s’imposent aux entreprises dès qu’elles dépassent certains seuils de salariés. Ces seuils qualifiés de « sociaux et fiscaux »  constituent, de l’avis général, un obstacle majeur à la croissance des PME et donc à l’embauche.

Il existe actuellement 199 obligations réparties sur 49 niveaux avec des délais d’adaptations variés et des modes de calcul multiples des effectifs…

Le projet de loi dispose de regrouper les seuils sur trois niveaux : 11, 50 et 250 salariés.

Le seuil de 20 salariés est officiellement « supprimé »,  cependant les obligations d’embauche de travailleurs handicapés ont été maintenues pour l’entreprise dès le franchissement de ce seuil…

Un seul mode de calcul des effectifs s’appliquera,  celui du Code de la Sécurité sociale.

La principale nouveauté est que la loi accordera  aux entreprises un délai de 5 ans pour s’adapter aux nouvelles obligations légales si elles ont franchi durablement un seuil.

Selon le think-tank Anaxagore (1),   » la suppression du seuil de 20 salariés, à l’exception des obligations liées à l’emploi des personnes handicapées, devrait aboutir à une réduction de charge de plus de 800 millions d’euros pour les entreprises de 20 à 49 salariés, dispensées à l’avenir de la cotisation au Fonds national d’aide au logement (FNAL) et de la participation à l’effort de construction (Action Logement). »

Cependant, l’Institut Anaxagore tient à souligner que « l’impact global des seuils sur la taille des entreprises reste difficile à estimer, car, en repoussant au seuil de 50 salariés les obligations qui s’appliquaient jusque-là aux entreprises de 20 salariés, le gouvernement ne diminue pas la charge administrative réelle s’appliquant aux entreprises lors d’un franchissement de seuil. Ces obligations sont uniquement reportées au seuil suivant, celui de 50 salariés, autour duquel se concentrent les difficultés de franchissement, puisque la France ne compte qu’1% de PME de plus de cinquante salariés, contre 2% au Royaume-Uni et 3% en Allemagne. »

Si le Medef salue « la suppression du seuil des 20 salariés ainsi que l’harmonisation et le regroupement des seuils en trois niveaux (comme ) des mesures qui favoriseront la croissance des entreprises, et notamment des PME », le syndicat des indépendants SDI estime pour sa part que le projet de loi ne va pas assez loin dans cette réforme. Il plaide pour la suppression pure et simple du seuil des 10 salariés qui représente « un frein majeur au développement, compte tenu de ses conséquences sur les modalités d’organisation du dialogue social », selon Marc Sanchez, le secrétaire général du SDI.

  • Nous publierons prochainement la suite de la présentation des principaux articles du projet de loi PACTE 

 

(1) L’Institut Anaxagore, association Loi 1901, s’est donné comme objectif de contribuer à l’accélération de la croissance des entreprises françaises, à partir de l’analyse de leur transformation et de l’évaluation de l’impact des lois et règlements sur la vie des PME et des ETI. Il est co-présidé par ses fondateurs Thibault Lanxade et François Perret.

 

 A propos de PACTE

L’élaboration du Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) a commencé  il y a un an à l’automne 2017 par une série de concertations et d’échanges avec des acteurs de l’entreprise, des représentants du monde patronal et des salariés. Une consultation publique en ligne a ensuite permis de recueillir plus de 60 000 votes sur les propositions formalisées par le gouvernement d’Edouard Philippe. Le texte a également été enrichi par un travail commun avec les députés. Plus de 2 200 amendements ont été déposés lors de la Commission spéciale présidée par Olivia Grégoire. Le rapporteur général du texte de loi est le député Roland Lescure.

« PACTE est le fruit d’un long processus de co-construction avec les entreprises, s’appuyant sur une approche pragmatique des problématiques soulevées mais toujours avec une cohérence globale : simplifier la vie des entreprises à toutes les étapes de leur développement pour leur permettre de grandir, de créer de l’emploi et de faciliter leur transmission », fait valoir la députée Olivia Grégoire.

Certains dispositifs fiscaux du projet de loi PACTE ont été inclus dans le Projet de loi de finances pour 2019, tel que l’aménagement du Pacte Dutreil relatif aux transmissions d’entreprises. Mais la plupart des articles du projet de loi n’entreront dans les faits qu’à la mi 2019, voire en 2020 ou 2021. Il faudra donc attendre encore plusieurs mois avant de connaître leur impact concret sur la vie des entreprises.

>>> Lire aussi le 2ème volet de notre analyse : Projet de loi PACTE / Ce qu’il va changer pour les entreprises (II)