La Vie Claire, une enseigne engagée dans la bataille commerciale du Bio

La pionnière des enseignes de produits bio poursuit son expansion. Face aux groupes de la grande distribution aimantés par un marché en pleine effervescence, Brigitte Brunel Marmone, la présidente de la Vie Claire, fait valoir les atouts de sa marque qui fleurit au fronton de plus de 350 magasins.

 

« La Vie Claire », première revue créée en 1946 par Henri-Charles Geffroy

Genèse. C’est dans le premier conflit mondial, il y a 100 ans, que se niche la genèse de l’enseigne bio : gazé à l’ypérite lors de la Grande Guerre, Henri-Charles Geffroy était condamné à une mort prématurée.  Pour faire mentir ce sort funeste, le jeune homme se documente et recouvre la santé grâce à un régime alimentaire « naturel », à base de céréales, de fruits et de légumes consommés le plus souvent crus. A partir de cette expérience salutaire, ce fils d’éditeurs parisiens décide de faire campagne pour promouvoir son « art de vivre en bonne santé » : il donne des conférences, publie des livres et lance en 1946 une revue « indépendante et apolitique »,  « La Vie Claire », qui existe toujours.

Devant le succès rencontré et à la demande de ses lecteurs, Henri-Charles Geffroy décide en 1948 d’ouvrir à Paris une boutique où l’on pourra trouver les produits qu’il recommande dans sa revue. La première pierre du futur réseau est posée. En 1951, une coopérative est créée pour approvisionner les premiers magasins. En 1965, elle se transforme en « Société française de l’alimentation saine »…

A partir de là, le réseau ne cessera de grandir,  comptant 94 magasins en 1965… Même si l’entreprise connaît des vicissitudes et change plusieurs fois de propriétaires, dont Bernard Tapie au début des années 80…

Depuis 1996, l’enseigne appartient à Régis Pelen, l’actuel président du conseil de surveillance, un entrepreneur qui contrôle 87% du capital, au côté du management et d’une partie des salariés qui en possèdent 11%. Le solde est détenu par un fonds de dotation maison qui finance des projets issus de l’agriculture bio et par la société de capital risque CM-CIC.

En 2000, alors que l’entreprise est affaiblie,  accusant de lourdes  pertes, Régis Pelen fait appel à un tandem de choc, Brigitte Brunel Marmone et  Benoît Soury, pour redresser la barre et rénover des magasins vieillissants. Le groupe quitte la région parisienne pour s’installer près de Lyon.

Une renaissance pour l’enseigne créée au milieu du siècle précédent. Rénovation du concept, ouverture de nouveaux magasins, et puis relance du recrutement  de nouveaux franchisés… En 2010, le cap des 200 points de vente est franchi.

En 2014, La Vie Claire est la première enseigne spécialisée à être certifiée ISO 9001.

Début 2019, l’enseigne est fière d’aligner 355 magasins, dont 105 en propre et 248 en franchise. Cinquante-trois points de vente ont été ouverts en 2018 et autant devraient ouvrir cette année, avec une part de points de vente détenus directement par la tête de réseau notamment dans les agglomérations stratégiques comme la région parisienne où le coût de l’immobilier commercial exige une mise de fonds importante.

En 2018, le réseau La Vie Claire a réalisé un chiffre
d’affaires de 300 millions d’euros,
soit une progression de 12% en un an.  88 emplois en équivalent temps plein ont été créés l’an
passé, ce qui a porté les effectifs à 980 collaborateurs dont 838
équivalents temps plein.

Brigitte Brunel Marmone, présidente du directoire de La Vie Claire

Dans une interview exclusive à L’Express, Brigitte Brunel Marmone explique ce choix de développement mixte (franchises/succursales):

« S’appuyer sur des succursales a été une obligation au moment où nous avons dû relancer l’enseigne. Aujourd’hui, nous continuons à ouvrir, parallèlement aux franchises, des magasins en propre pour plusieurs raisons : pour aller plus vite dans le maillage du territoire ; pour se positionner sur des emplacements plus chers, dans des zones stratégiques comme la région parisienne ou en Rhône Alpes, et enfin, pour tester des innovations. En tant que franchiseur, nous avons l’obligation d’évaluer et de valider toutes nos nouveautés avant de les diffuser aux franchisés. Et cela les rassure. »

Pour gérer ce développement dual, l’enseigne a mis en place une organisation spécifique, « car on ne gère par un franchisé, qui est un entrepreneur indépendant, comme un gérant salarié de magasin » :

« Au siège, nous avons deux structures distinctes, l’une qui s’occupe de l’animation et du développement des magasins tenus par des gérants salariés, l’autre de l’accompagnement et du suivi des franchisés. Sept animateurs s’occupent ainsi des gérants salariés, et sept autres de nos 250 franchises. Notre pôle développement, également scindé en deux, gère d’une part la sélection des candidats franchisés et leur installation, de l’autre, les études d’implantation des magasins intégrés. »

Des aspirants franchisés ayant la fibre commerçante…

Le groupe séduit et reçoit beaucoup de demandes d’aspirants franchisés : quelque 200 candidatures par an pour seulement 30 a 40 qui seront retenues…

Le profil des franchisés?

« Ce sont des cadres en reconversion, d’anciens responsables de rayons en grande distribution traditionnelle, des commerçants qui veulent se diversifier en ouvrant un autre magasin avec une enseigne reconnue dans le bio, et beaucoup de couples. Nous recherchons des candidats à la fibre commerçante, qui ont le sens du commerce, qui aiment le contact avec des clients et qui ont une affinité pour notre univers. Nous les accompagnons dans toutes les étapes de leur projet et nous les formons dans notre centre intégré à Montagny (siège de l’entreprise  dans le département du Rhône NDLR).

« Ils doivent être capables d’accueillir et d’informer des clients de plus en plus exigeants, de les conseiller aussi bien sur le choix d’un complément alimentaire que d’un produit en naturopathie. « 

La part des multifranchisés est en augmentation au sein du réseau. Ils sont une cinquantaine de multifranchisés  gérant chacun  deux, trois ou même quatre points de vente, preuve de l’attractivité du concept.

Entre-temps, Brigitte Brunel Marmone a réorganisé la direction de l’enseigne après s’être séparée, début 2018, pour divergence de vues, du directeur général historique, Benoît Soury (lequel a rejoint ensuite le groupe Carrefour pour y piloter le marché du bio).

La dirigeante de La Vie Claire préside désormais un directoire composé de 5 membres au nombre desquels figure Bruno Pelen (fils de Régis Pelen), chargé de diriger le réseau des magasins franchisés. Régis Pelen demeurant président du conseil de surveillance.

La grande distribution s’est lancée a fond dans la bataille du Bio…

Face aux enseignes spécialisés comme La Vie Claire ou Biocoop, les groupes de la grande distribution ont sorti l’artillerie lourde. Carrefour déploie ses magasins bio sur toute la France, le groupe Casino s’appuie sur Monoprix qui a racheté l’enseigne Naturalia, Leclerc développe la marque Marché Bio, tandis que le distributeur nordique se décline en Auchan Bio et en Cœur de Nature… Ces géants sont attirés par ce nouvel Eldorado, un marché qui avoisine les 10 milliards d’euros et croît de 15 à 20 % par an, alors que la consommation générale stagne.

 

Brigitte Brunel Marmone : « Nous avons une bonne longueur d’avance! »

 

« Chacun veut sa part du gâteau », reconnaît placidement Brigitte Brunel Marmone qui se dit attentive, mais « vigilante ». Dans cette grande bataille commerciale où chacun fourbit ses armes, La Vie Claire ne manque pas d’atouts, fait valoir sa présidente :

« Le bio est dans nos gènes depuis l’origine, nous avons un savoir-faire, un savoir-être et une stratégie différenciée. Nous sommes engagés durablement dans toute la filière bio, auprès de nombreux producteurs que nous soutenons, avec lesquels nous avons noué des partenariats ; nous privilégions les circuits courts et locaux, des produits certifiés et contrôlés. Et puis nous proposons 1900 références, sous notre propre marque – en épicerie, produits frais, cosmétiques, produits d’entretien (…) – qui répondent à un cahier des charges souvent plus sévère que les normes de l’agriculture biologique. Nos bases sont solides, avec un actionnariat de long terme, des équipes compétentes. Nous avons aussi un rôle pédagogique vis-à-vis du consommateur, et nous investissons beaucoup dans la formation de nos collaborateurs et partenaires. Nous sommes donc confiants, tout en restant attentifs, car l’exacerbation de la concurrence risque d’engendrer une trop grande distorsion entre l’offre et la demande, et donc des tensions sur l‘approvisionnement… »

Et l’avenir?

L’enseigne continue à étendre son réseau à un rythme soutenu : une cinquantaine d’ouvertures par an.  Le groupe estime avoir le potentiel de doubler de taille. 

Le déploiement du nouveau concept de magasin « éco-responsable » lancé en 2016 est aussi une priorité  : « Nous rénovons 4 à 5 points de vente en propre chaque année, et nous incitons nos franchisés à le faire aussi progressivement, explique à L’Express la présidente de La Vie Claire. Mais nous ne pouvons pas l’imposer car ce sont eux qui financent ce type d’aménagement. Nous devons également réfléchir à une nouvelle stratégie de vente en ligne. »

En 2014, l’enseigne avait lancé une offre sur Internet baptisée « Click & Bio » qu’elle a dû arrêter au bout de dix-huit mois ..  Les commandes étaient préparées dans les entrepôts du groupe à Montagny, puis livrées dans les magasins avec le réassort, des délais trop longs pour le client hyperconnecté.  La Vie Claire revoit sa copie :  « Aujourd’hui pour satisfaire les consommateurs, il faut être capable de livrer de façon quasi immédiate. C’est aussi une nouvelle loi sur notre marché, » tranche Brigitte Brunel Marmone.

Pour autant cette chef d’entreprise volontaire et optimiste est convaincue que le magasin a encore de beaux jours à vivre :

« Face à Internet, le magasin physique reste une valeur sûre : on y trouve de l’écoute, des conseils, c’est un lieu de vie, de découvertes, d’expériences, d’animation par des ateliers, des mini-conférences… Et dans nos magasins, il se passe toujours quelque chose ! »

 

>>> Lire l’interview complète de Brigitte Brunel Marmone sur Lexpress.fr

Bio express

Née à Nyons, dans la Drôme provençale, village célèbre pour son huile d’olive et ses marchés de fruits et légumes,  Brigitte Brunel Marmone est diplômée d’un DUT en biologie appliquée et diététique. En 1982, elle intègre le service marketing de Distriborg, société de distribution organisée spécialisée dans les produits diététiques pour les détaillants et les professionnels, créée par le chef d’entreprise Régis Pelen.  C’est lui qui, en 1988, lance la marque Bjorg, précurseur des produits biologiques en grande surface. Elle collabore à Distriborg pendant dix-huit ans, société qui, en 1996, a racheté La Vie claire après la période Bernard Tapie. En 2001, Régis Pelen qui a cédé Distriborg au groupe hollandais Wessanen, tout en conservant La Vie claire, en confie le redressement à Brigitte Brunel Marmone, nommé présidente du directoire et à Benoît Soury, directeur général.

Entrepreneure engagée, d’abord dans le mouvement APM (association progrès du management), Brigitte Brunel Marmone est membre de l’association Femmes chefs d’entreprise (FCE) depuis 2012. Elle est depuis 2018, administrateur du Synadis (syndicat des distributeurs spécialisés en BIO) et vice-présidente du Synabio qui rassemble plus de 190 entreprises de la bio, transformateurs et distributeurs spécialisés.