Bruno Le Maire :
« L’entreprise a un rôle social; elle transforme la société »

Mis en chantier il y a dix-huit mois, le projet de loi PACTE* a été adopté par l’Assemblée nationale le 11 avril 2019. Ce texte très dense a fait l’objet de nombreux ajouts et ajustements. Le volet privatisations qu’il comporte est contesté par l’opposition. Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, est intervenu devant l’Assemblée lors de la 2ème lecture du texte au mois de mars, ainsi que le 11 avril avant le vote définitif, pour en redonner la philosophie et les objectifs.

Nous publions de larges extraits de ses deux interventions.

 

Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances

« Le rôle de l’entreprise ne peut pas se limiter à la création de profits. C’est une condition nécessaire mais désormais une conception insuffisante du rôle de l’entreprise dans la société.

« L’entreprise participe à l’amélioration de la qualité de la vie. Elle participe à l’amélioration de notre environnement. Elle fait une place aux plus faibles. Elle peut donner à ceux qui sont en situation de handicap la possibilité de travailler et de développer leurs talents. Elle combat pour l’égalité femmes-hommes. Elle combat pour l’intégration.

« L’entreprise modifie notre vie quotidienne.

« L’entreprise a un rôle social. L’entreprise a une raison d’être qui dépasse le profit et il est légitime et juste de le reconnaître dans le Code civil, comme vous le faites avec le projet de loi PACTE. »

 

« Le profit ne peut pas être le sens unique du capitalisme. Le profit est nécessaire, il n’est certainement pas suffisant.

 

« Nos entreprises aujourd’hui participent à la construction de la société, à la transformation de notre vie quotidienne. Elles doivent transformer notre société en donnant du sens à leur action.

« Un nouveau capitalisme… »

« La lutte contre le réchauffement climatique, la lutte contre les inégalités, l’inclusion des personnes les plus fragiles. Ce sont des objectifs qui ne sont pas uniquement ceux de la puissance publique, ils doivent être aussi les objectifs des entreprises privées et de notre nouveau capitalisme.

« C’est ce nouveau capitalisme que vous avez dessiné en intégrant davantage les salariés dans les conseils d’administration des entreprises, en reconnaissant leur valeur et leur travail, en réécrivant pour la première fois depuis des décennies le code civil et en prévoyant que chaque entreprise aura la possibilité de se donner une raison d’être.

« Chaque entreprise aura désormais la possibilité de donner du sens à son activité, à celle de ses salariés et à celle de nos compatriotes. » (…)

 

« Clarifier le rôle de l’État »

 

« Le rôle de l’Etat mérite lui aussi d’être clarifié. (…) L’État a un rôle à jouer dans l’économie, mais ce rôle doit être redéfini en profondeur. L’État a le mauvais rôle dans l’économie quand il exerce des activités commerciales en lieu et place d’un entrepreneur privé. En revanche, il a le bon rôle quand il fait respecter l’ordre public économique, quand il gère des services publics ou quand il protège contre des investissements agressifs qui menacent notre souveraineté.

« La privatisation d’Aéroports de Paris et de la Française des Jeux s’inscrivent dans cette nouvelle doctrine de l’Etat actionnaire qui doit dégager de nouvelles marges de manœuvre pour financer l’innovation, l’investissement dans les technologies fondamentales pour le XXIe siècle que sont en particulier l’intelligence artificielle, les algorithmes et les données. (…)

« Je reste profondément convaincu de la nécessité économique et stratégique de la privatisation d’Aéroports de Paris. Pourquoi est-ce que nous le faisons ? Nous le faisons pour permettre le développement économique de l’entreprise et permettre à Aéroports de Paris d’être le premier « hub » en Europe et l’un des principaux « hubs » mondiaux dans les années qui viennent. C’est par ambition économique pour cette entreprise que nous faisons cette opération.

« Nous le faisons pour financer ce fonds innovation de rupture de 10 milliards d’euros qui doit permettre à l’État de préparer l’avenir de nos enfants, des générations qui viennent en investissant, non pas dans les boutiques, les hôtels ou les parkings mais en investissant dans l’intelligence artificielle, les données et les innovations stratégiques. Nous le faisons également, je le redis, pour désendetter l’État. (…)

« Je suis convaincu qu’il ne peut plus y avoir de souveraineté politique sans souveraineté technologique. Ceux qui abandonneront les technologies du futur – le stockage des données, le stockage des énergies renouvelables ou l’intelligence artificielle – à des puissances étrangères auront bradé notre souveraineté politique. Mais ceux qui avec cette majorité auront eu le courage de dégager des moyens financiers pour investir dans l’intelligence artificielle, investir dans le stockage des données, investir dans le stockage des énergies renouvelables, auront construit et consolidé la souveraineté française du 21ème siècle.

« Oui, nous pouvons retrouver une ambition technologique. Et oui, c’est vrai que cela demande du courage. Cela demande le courage de céder des actifs pour redéfinir la place de l’État. Cela demande le courage de faire tomber ces murs entre le monde de la recherche et le monde de l’entreprise. » (…)

 

« Je suis convaincu que (ce projet de loi PACTE) est une étape majeure dans la transformation de l’économie française pour laquelle nous avons tous été élus, dans cette majorité. »

Réception du Rapport Notat-Senard à Bercy par Bruno Le Maire, en mars 2018. Ce rapport a inspiré la modification du Code civil sur la responsabilité sociale de l’entreprise prévue par le projet de loi Pacte.

 

« C’est un complément essentiel de la transformation de la fiscalité que nous avons mise en place au niveau national comme au niveau international.

« C’est un complément de la reconquête industrielle, de la restructuration des filières, du meilleur financement de l’innovation, de la défense, de la recherche et du développement dans l’économie française que nous avons engagés depuis deux ans et qui commencent à donner des résultats. (…)

 

« Permettre aux PME de grandir… »

 

« PACTE est d’abord une loi d’efficacité destinée ouvertement aux PME, aux très petites entreprises, aux commerçants, aux artisans, pour leur permettre de grandir, d’affronter la compétition nationale et internationale avec des mesures fortes de simplification qui sont attendues depuis des années et que nous mettons en place.

Simplification des seuils sociaux qui seront désormais ramenés à trois, avec un délai de cinq années successives au-dessus d’un seuil avant de devoir remplir les obligations qui vont avec :

simplification de la création d’entreprise avec le registre unique dématérialisé ;

simplification du contrôle avec la fin de la sur-transposition de la directive (européenne) sur le contrôle des comptes des petites et moyennes entreprises ;

simplification du rebond ;

simplification de la transmission avec l’assouplissement du pacte Dutreil ;

simplification du financement avec le développement de l’assurance vie en actions pour développer le financement en fonds propres de notre économie, qui se finance trop par la dette.

« L’objectif principal de tous ces dispositifs d’efficacité, c’est de faire grandir nos PME et de constituer partout sur le territoire national un tissu d’entreprises de taille intermédiaire performantes et créatrices d’emplois.

(…)

« Je crois à un capitalisme qui rémunère le travail à sa juste valeur… »

Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances

« PACTE est aussi un texte de justice. Je ne crois pas à une économie sans justice, je ne crois pas à un capitalisme dont le succès se paierait par une augmentation des inégalités, par la fragilisation des salariés et par l’épuisement de notre planète. Ce capitalisme-là est condamné. Je crois en un capitalisme qui rémunère le travail à sa juste valeur, qui accélère la transition écologique et qui réduit les inégalités.

« PACTE redonnera donc la voix aux salariés avec la modification de la composition du Conseil d’administration. Les salariés auront davantage leur place, avec le développement de l’actionnariat salarié qui doit associer les salariés dans le capital de l’entreprise, avec le développement de la reprise d’entreprise par les salariés, qui est une incitation aussi à poursuivre la vie d’une entreprise en difficulté.

« PACTE récompense le travail car nous savons tous que la bonne et juste rémunération du travail est la condition de nos succès économiques et la condition de la cohésion de notre société.

« La suppression du forfait social sur l’intéressement et la participation pour toutes les entreprises de moins de 250 salariés, c’est la juste récompense du travail et la meilleure rémunération de l’ensemble des salariés dans nos entreprises. Le développement de l’épargne salariale avec la simplification des dispositifs, la possibilité de libérer beaucoup plus facilement son épargne salariale, c’est aussi une manière de mieux rémunérer le salarié et de mieux récompenser le travail.

« PACTE protège enfin les salariés les plus fragiles avec une disposition que vous avez fait adopter et qui est essentielle sur les conjoints collaborateurs ou avec les mesures en faveur de l’égalité femmes-hommes.

« PACTE défend l’égalité salariale avec la mise en place pour la première fois d’un rapport d’équité sur la base du salaire médian. Il est juste que des salariés soient mieux payés que d’autres au sein d’une même entreprise, en fonction de leurs responsabilités, de leurs compétences, de leur expérience, de leurs qualifications.

« En revanche, il est injuste que certains dans une même entreprise touchent en un mois ce que d’autres toucheront dans une vie de travail… « 

 

« PACTE enfin est une loi de clarification.
J’entends beaucoup dire que c’est une loi fourre-tout. C’est exactement l’inverse. C’est parce qu’il y avait beaucoup à simplifier qu’il y a aussi beaucoup à légiférer et qu’il y a beaucoup à clarifier que ce texte est aussi ambitieux pour les entreprises, pour les salariés et pour la clarification du rôle respectif des entreprises et de l’État dans la société française. (…) »

Bruno Le Maire

* PACTE : Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises.

 

>>> Découvrir le texte définitif adopté par l’Assemblée nationale le 11 avril 2019

* Ce texte de loi est soumis à l’examen du Conseil constitutionnel avant sa promulgation définitive.

Par ailleurs, près de 200 parlementaires ont saisi le 16 avril le Conseil constitutionnel en vue de l’organisation d’un référendum d’initiative partagée (RIP) sur les privatisations prévues par la loi PACTE. Ce nouvel instrument de la vie démocratique qui requiert en outre le soutien de 10% du corps électoral, soit 4,5 millions d’électeurs, risque de se révéler un procédure longue.

 

 

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