Enquête
La « dématérialisation » : une illusion qui nous aide à mieux comprendre la réalité du numérique

« Dématérialisation », « transformation digitale », « économie virtuelle »… autant d’expressions qui scandent de façon quasi incantatoire le discours managérial depuis une quinzaine d’années. Et si tout cela n’était qu’une « illusion collective » entretenue par les acteurs de l’écosystème techno? Une intéressante enquête menée par le cabinet Eranos et le groupe La Poste* s’emploie à démystifier nos représentations socioculturelles autour du numérique.

 

Synthèse et commentaires par Jacques Gautrand

 

Au tournant de l’an 2000, a surgi du gonflement planétaire de la « bulle Internet », le concept de « nouvelle économie » : une économie « dématérialisée », online/en ligne, digitale, « globalisée », sans frontières … Cette « nouvelle » économie portée par le développement des technologies numériques, se présentait comme étant en  rupture complète avec l’économie traditionnelle « matérielle ».

Elle semblait vouée à remplacer l’univers productif de la société industrielle, fait de « bricks and mortar » (briques et mortier), pour nous faire entrer dans l’ère de la connexion et de la virtualité.
De plus, cet univers magique démultiplié à l’infini dans le miroir des écrans, déterritorialisé, universel, accessible « au bout des doigts », était porteur d’une promesse sociétale : changer la vie de chacun, apportant bien-être, prospérité et satisfaction immédiate des désirs…

Anthony Mahé, cabinet Eranos

L’enquête menée par le sociologue Anthony Mahé* avec le soutien de la Poste (qui se préoccupe légitiment de l’avenir du courrier papier et de la reconversion de ses milliers de facteurs) s’emploie à « dé-construire » cette utopie de la « dématérialisation » qui nourrit le discours managérial dominant : On « s’est pris à rêver d’une économie sans objet, sans métal, sans usine, sans cambouis et sans sueur. Tout cela est la résultante d’un fantasme qui anime la nouvelle économie, celle d’un capitalisme immatériel », explique l’auteur au début de son ouvrage bref, d’une lecture agréable, nourri d’autres essais et de références qui font autorité.*

« L’art est un mensonge qui nous fait comprendre la réalité »…

Cette enquête à portée anthropologique est très pertinente : en mettant en doute la réalité objective de la « dématérialisation », en la décortiquant comme un « récit social », l’auteur nous permet de mieux toucher du doigt la réalité de la société numérique qui se déploie de façon tentaculaire aujourd’hui et dont nous ne connaissons pas encore toutes les arborescences et conséquences.

Ceci me fait penser au mot fameux de Picasso : « L’art est un mensonge qui nous fait comprendre la réalité« …

Une ruse marketing

On ne compte plus les colloques, les ateliers et les articles qui brandissent la « transformation digitale » des entreprises et des organisations comme un impératif catégorique. Cette transformation qui prône la « dématérialisation » des opérations traditionnelles est censée apporter agilité, rapidité, souplesse, efficacité et gains d’économies aux organisations et aussi simplifier la vie des usagers…
Mais derrière cette alléchante promesse n’y a-t-il pas tout simplement une ruse du marketing qui, sous couvert de « dématérialisation », a transféré chez le client une partie des coûts et contraintes qui incombaient, naguère dans « l’ancienne économie », au prestataire ?

Client roi ou pigeon? La SNCF fait imprimer par ses usagers leurs billets ! Comme il nous revient d’imprimer nos relevés bancaires mensuels que notre banque nous envoyait auparavant par courrier et sans qu’elle ait réduit les frais de gestion de notre compte…

L’encre d’imprimante au prix du parfum

On nous avait annoncé l’entreprise sans papier, mais en réalité, le papier c’est le client qui l’achète ainsi que les précieuses cartouches d’encre de l’imprimante à un coût au litre proche de celui des parfums… Côté administrations publiques, la « dématérialisation » en cours des démarches administratives n’a guère réduit la bureaucratie dans notre pays ni le nombre des fonctionnaires…

Déconstruire un mythe

Progressant dans son enquête, Anthony Mahé  veut démonter la croyance collective dans l’immatérialité du numérique. Il s’agit selon lui de déconstruire un « mythe ». On le suivra sur ce terrain  en s’accordant sur une définition large du mythe comme un récit explicatif du monde partagé par une communauté humaine.

Anthony Mahé, sociologue, cabinet Eranos

 

« J’observe des discours sur le numérique, des récits modelés par des croyances, des certitudes et des faits objectifs, afin de comprendre comment ces discours se muent en mythes, c’est-à-dire des formes cristallisées et suffisamment partagées pour s’établir comme une vision commune du monde numérique », explique le sociologue.

 

Anthony Mahé fait valoir que les nouvelles technologies dont les usages sociaux se sont largement diffusés au cours des dernières décennies, «sont supportées par des récits» qui sont autant de « constructions sociales », de « représentations collectives du monde (…) qui font société (et) orientent nos décisions individuelles et collectives. »

« Dématérialisation », « transformation digitale », « économie virtuelle »… ces expressions rabâchées à l’envi scandent de façon quasi incantatoire le discours managérial depuis une quinzaine d’années!

Convenons que ce concept de « dématérialisation » est tout le moins un abus de langage.

Je m’explique. Cet article que vous lisez, il a été écrit à partir d’un clavier d’ordinateur (matériel), vous en prenez connaissance sur un écran (matériel) ; il est diffusé via des réseaux de télécommunication « physiques », grâce à des serveurs (matériels) qui consomment beaucoup d’électricité produite matériellement dans des centrales, etc. Les différentes manifestations du monde numérique que l’on qualifie parfois par facilité de « virtuelles » (par opposition aux supports traditionnels, papier, photographie argentique, pellicule, etc.) reposent nécessairement sur un substrat tout à fait matériel.

En réalité, il ne peut y avoir d’immatériel sans matériel, il n’y a pas d’Internet sans ordinateurs, tablettes, serveurs, relais et routeurs, pas de « médias sociaux » sans smartphones, batteries, antennes-relais, métaux rares, etc.

Le livre d’Anthony Mahé nous fait toucher du doigt que cette nouvelle économie repose largement sur l’industrie traditionnelle (activités de fabrication, d’assemblage, d’extraction…) et sur le facteur humain à tous les stades de ses manifestations.

On est donc bien davantage en présence d’une «représentation » collective, un « imaginaire social » de la dématérialisation plutôt que d’une réalité objective.

L’envers du décor : des armées de « tâcherons  du clic »

Cité par Mahé, le sociologue Antonio Casili montre dans son livre « En attendant les robots » (éditions du Seuil, 2019) qu’il y a un envers du décor des réseau sociaux, où s’activent des armées invisibles de « tâcherons  du clic » chargés d’enrichir les posts s’affichant sur les plateformes en ligne, obscurs assistants des interfaces logicielles, souvent « délocalisés » dans les pays émergents…

L’industrie traditionnelle, avec ses énormes usines, ses imposantes cheminées, les chevalets métalliques et les terrils des mines, était beaucoup plus visible que l’économie numérique : où sont les « usines » de Google, d’Amazon ou de Facebook? Elles sont beaucoup moins à portée de regard des millions de personnes qui recourent à leurs services.

Et pourtant que serait Amazon sans ses énormes entrepôts de stockage et de répartition, sans les escadrilles de livreurs et de coursiers qui apportent quotidiennement les commandes aux clients ?

L’économie numérique est plus diffuse et disséminée que l’industrie lourde d’antan.
De même que les sociétés de produits high-tech grand public ont délocalisé dans les pays émergents l’assemblage des objets emblématiques de leur marque…

Malgré cette « invisibilisation » de la nouvelle économie, il existe une continuité « fonctionnelle » entre celle-ci et l’économie traditionnelle, avec ses industriels, ingénieurs, ouvriers, commerçants, artisans, transporteurs, dépanneurs, prestataires de services, etc.

Changement de business-models

Pour autant, reconnaissons que ces « deux » économies obéissent à de modèles d’affaires (business-models) différents.

Ainsi, dans l’économie traditionnelle, une société qui accumule les pertes voit sa valeur ou son cours de Bourse s’effondrer, tandis que dans l’économie « digitale» (anglicisme pour l’économie numérique) on survalorise des sociétés déficitaires sur la foi de plus-values à venir… De même, la plupart des start-up ne vivent pas de la vente de leurs produits ou services, mais grâce à des levées de fonds successives (elles « mangent » leurs capitaux propres !) avant de se revendre très cher (pour les plus chanceuses) à un grand groupe établi…

Pour sortir de cette opposition artificielle entre économie « physique » traditionnelle et économie «immatérielle», Anthony Mahé propose d’accorder un « statut ontologique » au numérique en le baptisant «matière numérique».

Personnellement, je préférerai que l’on parle directement « d’industries numériques ».
En effet, si l’on observe tous les grands acteurs du secteur, des créateurs de logiciels, de smartphones, les plateformes Internet, les groupes de communication et de divertissement (entertainment), etc. ils se comportent en groupes « industriels » dominants, avec des intégrations amont et aval de leur chaîne de valeur, même s’ils fonctionnent davantage en réseau, en « co-traitance » et de façon beaucoup plus internationale que les industries lourdes du 19ème siècle.

Cependant pour l’auteur du livre, donner un statut de « matière au numérique est important, car l’imaginaire de l’immatériel nous donne l’impression que tout cela nous échappe. Non, Internet tient bien dans une main. Les bits, les nanotechnologies, même s’ils ne sont pas perceptibles par l’œil humain existent bel et bien, ils ont des effets qui sont mesurables : c’est de la matière, au sens littéral (le mot latin materia signifie ainsi faire avec la main, construire, mesurer.) »

Cette approche « matérialiste » devrait, selon l’auteur, faciliter la « comparaison entre des matières historiquement établies, comme le papier, et des nouveaux objets tactiles et interactifs. (…)
« S’il y a bien une matière numérique, elle n’est cependant pas identique à la matière de référence que nous connaissons du point de vue des usages sociaux. Le lien social qui se tisse dans les échanges
numériques est une forme d’interaction spécifique qui contribue à créer un ordre social. »

A ce stade de son essai, le sociologue reconnaît qu’ « Internet est une culture, avec ses codes et ses
manières de penser et d’agir qu’on apprend à intégrer dans les expériences de navigation. On pourrait dire
qu’il y a un habitus numérique qui se forge. »

Les médias sociaux ont retissé les comportements communautaires

D’ailleurs l’auteur se défend d’être un « technophobe » ou un « technosceptique » furieusement nostalgique : « Personnellement j’utilise tous les jours un smartphone dernier cri et un ordinateur, je vais quotidiennement sur les réseaux sociaux, plutôt Facebook et Linkedin que Instagram ou Snapchat, il paraît que c’est une question de génération. J’ai vu naître Internet quand j’étais adolescent… » Dont acte!

S’il est bien une « création » de l’ère digitale, ce sont les médias sociaux et les nouveaux comportements en terme de relationnel et de sociabilité qu’ils induisent :  » Les réseaux sociaux numériques font apparaître quelque chose d’un peu effacé dans notre histoire sociale mais sous une sous forme nouvelle : la communauté. Tout à chacun tend à s’impliquer, à participer plus ou moins intensément et passionnément à un collectif. »

Ces liens de type « communautaire », que l’on tisse via les réseaux sociaux avec des connaissances comme avec des personnes souvent très éloignées géographiquement de son lieu de vie (ce qui est toutefois  une rupture avec l’organisation communautaire des villages d’antan) induisent un nouveau mode de relation qualifié de «peer to peer» (entre pairs)

« Cela représente, écrit le sociologue, une rupture par rapport à un modèle d’organisation
traditionnel de nos sociétés basée sur l’autorité verticale et les structures pyramidales. »

Transformation des façons de travailler et de consommer

Ce constat a des conséquences considérables en matière d’organisation du travail dont les entreprises commencent à peine à prendre conscience. La société numérique et des Data nous fait entrer dans le temps de l’intelligence collective et du travail collaboratif. Aucun individu, même le plus brillant n’est aujourd’hui capable de maîtriser et de s’approprier la masse colossale des données et des informations qui entre en jeu dans les échanges économiques et sociaux…

Les entreprises « doivent désormais animer une communauté en ligne, construire une e-réputation.  (Internet) a transformé les cultures de consommation. Les consommateurs se dotent de nouveaux outils pour comparer, évaluer,recommander. Cela a permis l’émergence d’une nouvelle figure de consommateur appelée “le consommateur malin», souligne Anthony Mahé.

Et ce n’est pas une mince tâche!

Les usages sociaux et les interactions entre personnes sont plus importants que la technologie

Les dirigeants doivent prendre conscience que la transformation digitale n’est pas qu’une question de technologie, mais un enjeu socioculturel et de management : celui de repenser totalement nos modes d’organisation et de gouvernance dans l’entreprises et la société.

Anthony Mahé, Eranos

« Dans les entreprises et les administrations, l’imaginaire de la dématérialisation porte une promesse forte de rationalisation. On pense que cela va simplifier l’expérience des utilisateurs et générer des économies. Ce n’est pas si simple car, cette nouvelle matière, au contraire, ajoute de nouveaux cadres avec lesquels il va
falloir composer. Cela ajoute de la complexité.»

Finalement, à qui profite ce mythe de la « dématérialisation » ?

Ce « récit social » autour de la dématérialisation qu’Anthony Mahé s’attache à démythifier, sert opportunément à toutes les entreprises de l’écosystème numérique et en particulier aux groupes dominants que sont les GAFAM et des BATX.(1) Ce sont les principaux bénéficiaires de cet imaginaire social autour de la « dématérialisation ».

En se prévalant d’activités « immatérielles », ces opérateurs peuvent plus facilement s’exonérer d’une responsabilité économique et sociale à l’égard d’un territoire particulier : leurs clients sont partout dans le monde et leurs implantations « physiques » évoluent en fonction des opportunités géographiques et fiscales…

« Ce mythe (de la dématérialisation ») permet à une entreprise comme Uber et bien d’autres d’échapper au sentiment d’appartenance au
territoire social, humain et naturel dans lequel elles sont
pourtant, qu’elles le veuillent ou non, enracinés. »

 

Le questionnement pertinent du sociologue rejoint le débat actuel qui mobilise les gouvernements occidentaux : comment taxer les GAFA devenus plus puissants que certains Etats ?

« La valeur des entreprises et des échanges s’est déplacée. Dans un capitalisme qui se nomme immatériel, les entreprises agiles et avec peu d’actifs matériels sont les plus valorisées. Il paraît évident que le récit de la dématérialisation présente des avantages, presque inconsciemment, dans l’identité qu’elles doivent se forger pour exister. (…) Cette construction identitaire propre aux entreprises du numérique soulève in fine la question de leur responsabilité sociale. Paraître immatériel rend-il moins responsable ? Numériser les échanges désengage-t-il les entreprises de leur appartenance à un territoire ? »

Dématérialisation de l’argent et économie spéculative

A ce stade de ses analyses, Anthony Mahé rejoint la réflexion sur une « dématérialisation » beaucoup plus ancienne que celle du numérique : la « dématérialisation » de l’argent. Cette transformation des monnaies sonnantes et trébuchantes d’abord en « monnaie scripturaire » (une myriade de jeux d’écritures dans les livres des banques et des opérateurs financiers), puis en « monnaie plastique » (cartes de crédit), et en monnaie électronique est loin d’être terminée : avec les paiements via smartphones et l’essor des crypto-monnaies comme le « Libra » dont Facebook annonce le lancement prochain ou le « Amazon Coins » une devise virtuelle utilisable sur la plateforme de e-commerce, s’ouvre un champ de création de richesse «immatérielle» qui donne le vertige.

Quelles sont les garanties tangibles de ce nouvel argent que quelques grands groupes privés pourrait émettre sans limites – ce que les spécialistes appellent les  « contreparties de la valeur monétaire » ? Traditionnellement, ces contreparties se matérialisaient dans l’or et les devises détenues dans les coffres des banques centrales, garantissant la valeur de la monnaie nationale… Mais que deviendront ces garanties pour les usagers (et les citoyens) si le privilège régalien de « battre monnaie » échappe aux Etats démocratiquement élus?

Les Big Data et les algorithmes sont le carburant de la spéculation financière

C’est sans doute par cette mise en miroir entre « dématérialisation » de l’argent et « dématérialisation » de l’économie que l’essai d’Anthony Mahé atteint son point nodal. Un nœud d’interconnexions complexes qui mériteraient probablement à elles seules un livre entier à tenter de les expliciter…

Le sociologue réalise que le nouveau «métal précieux» de l’âge numérique, ce sont ces fameuses « Big Data », ces métadonnées que détiennent et exploitent pour leur profit les grands opérateurs de l’Internet, à l’instar des données financières accumulées par les banques. Données qui ont une haute valeur spéculative.

Eldorado. « L’activité dite du Big Data représente un nouvel eldorado de création de valeur. (..) La data est devenue un trésor “sacré” dont la valeur est en partie spéculative. Elle est adossée au potentiel, au virtuel donc, de l’exploitation de ces données. (…) Ces données précieusement conservées par les géants du numérique sont les supports d’élaboration de modèles prédictifs des comportements d’achat, de vote politique, de prévention santé, etc. de plus en plus performants. Ces modèles prédictifs font forcément fantasmer de nombreux acteurs du privé et du public. »

Et l’auteur rappelle fort à propos que «la data est déjà depuis des années au cœur des marchés financiers où les algorithmes ont transformé les modes de spéculation boursière».

C’est la vitesse d’acquisition d’une information et l’asymétrie d’informations entre les opérateurs qui nourrissent depuis toujours les mécanismes de la spéculation financière. Les technologies numériques et les algorithmes n’ont fait que sophistiquer et démultiplier la puissance de ces opérations spéculatives…

«Le parallèle entre l’argent et la data me paraît très fécond pour comprendre le mécanisme d’abstraction
qui est en jeu, et la manière dont ce mécanisme sert la construction du mythe de la dématérialisation.
Cela devrait montrer plus clairement le processus de déracinement qui est en cours», note l’auteur.

Au terme de son ouvrage, Anthony Mahé s’interroge : « En des termes différents, c’est la question philosophico-politique que posait Aristote en distinguant deux types de richesse : celle dont le but est de produire de l’argent, ce qu’on appelait dans la Grèce Antique la chrématistique (reposant sur le prêt à intérêt notamment), et celle fondée sur l’idée de communauté et de ce qui est utile pour la vie de la Cité. Éternel débat donc que repose aujourd’hui le numérique. »

Les enjeux de l’économie numériques ne cessent de nous interpeller, d’autant que nous ne sommes qu’au début de toutes les innovations qui s’imposent aujourd’hui et qui suscitent légitimement autant d’attentes que de de craintes.

Le sociologue, et il est dans son rôle, nous invite à focaliser notre attention sur les évolutions que les industries numériques génèrent et vont générer dans les relations sociales et les usages sociaux : « Il convient selon moi de revenir sur les fondamentaux : l’information et la communication, écrit Anthony Mahé.  Ce sont d’abord des dispositifs sociaux et culturels s’inscrivant dans l’élaboration d’un monde commun qui sied à toute société. Ensuite seulement, ce sont des technologies performatives censées conduire vers ce but. Il faut donc
sortir d’une vision technocentrée, sortir également d’une vision humano-centrée (human centric) pour
tenter la voie d’une vision centrée sur la relation social.»

J.G.

Les intertitres sont de la rédaction de Consulendo.com

(1) Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft / Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi

* Anthony Mahé, docteur en sociologie, appartient à la tradition de la sociologie de l’imaginaire. Il est directeur de la connaissance au sein du cabinet Eranos. Il est également enseignant à l’école de design Créapole. Son travail porte sur l’analyse des phénomènes socio-économiques dans le domaine des services et du management.

« Enquête sur le mythe du numérique »- La Poste – Eranos – 2019

* « La dématérialisation n’a pas eu lieu – Enquête sur le mythe du numérique » – Anthony Mahé – La Poste/Eranos – 156 pages – 2019

Cet ouvrage est le fruit d’une enquête menée par le cabinet Eranos et La Poste auprès de particuliers, d’artistes, d’experts en design, de sociologues, d’agences de communication et de directeurs de marchés sur leur perception de la « dématérialisation ».

 

Dans sa dernière partie, le livre adopte un propos plus « pratique » en inventoriant les effets des messages sur leurs récepteurs en fonction des canaux utilisés. Un vade-mecum à l’usage des entreprises et des administrations afin d’améliorer leur communication à l’ère numérique. L’ouvrage propose ainsi une cartographie de 13 effets de communication regroupés au sein de trois familles d’expériences : « Modeler, Éprouver, Exister »…

Parmi les effets détaillés dans l’ouvrage et soulignés par l’étude, citons :
La ritualisation ou le fait de privilégier un média qui génère des rituels pour captiver et fidéliser le client.
L’immersion permet de projeter le destinataire d’un message dans un univers différent du sien. Exemple : des lunettes 3D ; le catalogue papier permet de vivre une immersion choisie et plus installée, ancrée dans le temps…
La considération est l’effet qui permet de témoigner de l’attention. Confectionner un support élaboré, comme un catalogue ou un courrier qualitatif, associé à une personnalisation du message génère cet effet.
L’effet haptique ou le sens du toucher, le tangible, est un axe différenciant pour marquer l’esprit d’un client.
La préciosité génère le sentiment de valeur auprès de la cible et incite davantage à conserver un message.
– « L’enromancement » qui permet d’être transporté dans un rôle différent du quotidien. C’est le cas du jeu vidéo par exemple ou des mises scènes que permettent les réseaux sociaux.
La conviction est l’effet par lequel le destinataire intègre et croit en l’argument.