Transmission-Reprise d’entreprise :
une opération délicate qu’il faut bien préparer

La reprise d’entreprise est moins médiatisée que la création. Or, réussir le passage de relais entre entrepreneurs, soit via la transmission familiale, soit via la vente à un repreneur, représente un potentiel de croissance de l’économie qui pourrait être optimisé. Le marché de la cession-reprise n’est pas encore suffisamment fluide et certains dirigeants finissent par arrêter leur activité sans avoir trouvé ou même cherché un repreneur…

 

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On ne sait pas exactement combien d’entreprises disparaissent chaque année faute de repreneur… C’est une perte de substance de notre tissu économique, et, en réalité un appauvrissement pour notre pays en terme de PIB potentiel non réalisé…

Plusieurs enquêtes le montrent, c’est souvent par lassitude ou par découragement que des dirigeants de TPE ou des artisans renoncent à chercher un repreneur et cessent carrément leur activité, lorsqu’ils estiment « avoir suffisamment travaillé dans leur vie »…

Une étude de l’Institut supérieur des métiers (1) fait apparaître qu’un artisan sur deux n’a pas cherché à vendre ou à transmettre son affaire.

Dans le cas des entreprises individuelles, le savoir-faire et le portefeuille relationnel sont intimement liés à la personne de l’entrepreneur, et donc difficilement transmissibles, il est vrai.

185 000 sociétés susceptibles de changer de main dans l’année

 

Le « vivier » des entreprises à transmettre demeure considérable : la Bpce l’évalue à 185 000 sociétés susceptibles de changer de main chaque année… alors que les transactions ne concernent que quelque 50 000 d’entre elles.
Et en Île de France seule, 93 000 entreprises employant au moins un salarié pourraient être transmises, indique Dominique Restino, le président de la CCI Paris.

La cession-transmission est par nature une opération délicate, que beaucoup de dirigeants-propriétaires ont tendance à repousser le plus tard possible.

Discrétion et non-dit. La plupart des entrepreneurs-fondateurs se gardent de claironner qu’ils songent à passer la main, pour préserver leur bon relationnel avec leurs clients et fournisseurs.

On est souvent dans le non-dit; le chef d’entreprise procrastine, en se disant qu’il finira bien par trouver une solution… Laquelle ne se présente pas forcément.

Or, plus il repousse cette échéance et moins le dirigeant sera enclin à vendre, la valeur de son entreprise ayant tendance à se déprécier. Faute d’investissements et aussi parce que, le temps passant, l’entrepreneur insufflera moins de dynamisme à son affaire…

Plus de repreneurs que de cédants déclarés!

En définitive, il y a davantage de repreneurs affichés sur le marché que de cédants déclarés! Les réseaux d’accompagnement à la reprise d’entreprise le savent bien.

Saluons la tenue, depuis plusieurs années, d’ un salon professionnel, créé à l’initiative de la CCI de Paris-Île de France, avec les experts-comptables, les avocats et les notaires, destiné à faciliter la mise en relation entre cédants et repreneurs, Transfair.

Les réseaux consulaires ainsi que des opérateurs privés on lancé des plateformes en ligne pour mettre en relation cédants et repreneurs potentiels. Mais le marché de la cession-reprise est loin d’être parfait, en raison des asymétries d’information irréductibles, mais aussi des freins culturels et psychologiques : on ne vend pas une entreprise en ligne comme un meuble dont on n’a plus l’usage…

Comme le remarque un observateur averti, « le plus difficile à valider est de s’assurer que le vendeur est bien vendeur, car il a souvent du mal à se séparer de l’entreprise qu’il a créée comme s’il s’agissait de son propre enfant! »

Transmettre ou reprendre : prendre le temps pour se préparer, s’entourer, et être bien conseillé

 

La reprise d’entreprise est moins médiatisée que la création ex-nihilo, alors qu’elle offre des chances de réussite plus solides, ne serait-ce que parce que le repreneur s’appuie sur un actif existant, des références, un historique, un « capital » humain et relationnel…

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Une opération cession-reprise dure, selon les observateurs, de 12 à 18 mois en moyenne et doit être menée de façon méthodique, réfléchie, en s’entourant de conseils professionnels adéquats.

Comme dans une création d’entreprise, le facteur humain est… capital!

Pour Dominique Restino, le succès de la reprise dépendra largement de la bonne adéquation entre le profil du repreneur et l’entreprise à reprendre.

 

Si la transmission intra-familiale est moins développée en France que dans d’autres pays européens, une autre modalité de cession pourrait être utilement encouragée : la reprise d’entreprise par ses salariés.

Les pouvoirs publics s’y s’ont essayé, avec plus ou moins de bonheur.

Après le RES des années 1980, tombé en désuétude, il y a eu la loi Hamon du 31 juillet 2014 qui fait obligation à tout cédant d’une PME à informer ses salariés de son intention de vendre au moins deux mois avant la cession… Un dispositif très controversé, qui a soulevé pas mal de réserves dans le monde patronal et qui, à notre connaissance, est toujours en vigueur…

Il existe aussi la possibilité pour un groupe de salariés de se constituer en société coopérative (SCOP ou SCIC) pour racheter l’entreprise, mais cette option reste encore très nettement minoritaire dans les opérations de cession-reprise.

Pour populariser la reprise sous forme coopérative, la Confédération générale des Scop (CG Scop) a ouvert un portail informatif « Je transmets à mes salariés« 

J.G.

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(1) Selon le tableau de bord de l’artisanat réalisé par de l’ISM (Institut supérieur des métiers),  que présente le consultant André Letowski dans sa Lettre mensuelle, seulement 48% des artisans ont cherché à vendre ou à transmettre leur affaire. Ceux qui n’ont pas cherché à transmettre mettent en avant le peu de valeur de l’entreprise (42% et 49% pour les entreprises artisanales sans salarié), la difficulté de trouver un repreneur (22%), l’activité peu rentable (15%), la complexité pour un retour financier faible (11%), voire le fait de quitter le local de l’entreprise qui est aussi celui du logement du dirigeant.

 

Par ailleurs, l’édition 2019 du baromètre ISM-MAAF de l’artisanat* publiée le 19 novembre, apporte des précisions sur la cession-reprise des entreprises de ce secteur:

 » L’installation par reprise d’entreprise est en baisse depuis une dizaine d’année et représente aujourd’hui moins d’une installation artisanale sur 10 (hors micro-entrepreneurs). 90% des entreprises reprises sont des sociétés et les 2/3 emploient des salariés lors du démarrage de l’activité. Par ailleurs, ce mode d’installation est beaucoup plus fréquent dans l’artisanat commercial, que ce soit dans les métiers de l’alimentation ou des services, lesquels concentrent 80% des opérations de reprise.

« Ce mode d’installation de moins en moins répandu est pourtant beaucoup plus porteur sur le plan de l’emploi : les deux-tiers des entreprises reprises emploient en moyenne 2,3 salariés dès le démarrage de l’activité.
« Le coût moyen d’une reprise d’entreprise est de 151 000 euros. Corrélé à la taille des entreprises, il varie selon les secteurs. Le coût est moins élevé dans les activités de service (les deux tiers des coûts de reprise sont compris entre 10 000 et 100 000 euros). À l’inverse, les reprises sont plus capitalistiques dans l’alimentation (31 % des coûts de reprises sont supérieurs à 200 000 euros) et les activités de fabrication (37 % des coûts de reprises sont supérieurs à 200 000 euros).

« Un cédant sur deux transmet son entreprise en raison d’un départ à la retraite, les autres motivations étant d’ordre économique, personnelles ou liées à l’évolution de son projet professionnel.

« 53 % des repreneurs sont étrangers à l’entreprise qu’ils ont rachetée, alors que l’autre moitié est en lien avec celle-ci : 25 % y sont salariés, 12 % sont membres de la famille du cédant et 11 % proviennent du réseau professionnel du cédant. Leur âge moyen est de 41 ans.

« Les repreneurs étaient auparavant majoritairement ouvriers ou techniciens (70 %). Pour le tiers restant il s’agit d’anciens dirigeants d’entreprise (14 %) ou d’anciens cadres d’entreprise en reconversion (12 %). Ce dernier profil est plus présent parmi les repreneurs du BTP (19 %) et les repreneurs d’entreprises de 3 salariés et plus (20 %).

« La reprise d’entreprise permet de maintenir des emplois, ces entreprises étant majoritairement employeuses et structurées sous forme de société. Les statistiques montrent en outre que les entreprises reprises sont globalement plus pérennes même si certains écueils sont à éviter : au bout de deux ans d’activité, 60 % d’entre elles ont un chiffre d’affaires en hausse », souligne Catherine Elie, directrice des études et du développement économique de l’ISM.

* Le « baromètre de l’artisanat », publication de l’ISM réalisée avec le soutien de la MAAF, cinq fois l’an, met en avant les grandes tendances d’évolution du secteur de l’artisanat dans ses composantes économiques et sociales.

 

>>> Sur cette thématique on lira aussi sur Consulendo : « Transmission d’entreprises, il y a urgence! L’Observatoire Bpce s’alarme de la baisse des transmissions d’entreprises en France et du vieillissement des dirigeants de PME.