ÉTAT D’URGENCE ÉCONOMIQUE (III)
Le point sur les mesures de soutien aux PME-TPE touchées par la crise du Covid-19

La mise à l’arrêt de différents secteurs d’activité place de très nombreux entrepreneurs, indépendants, commerçants, artisans, dans une situation critique. A leur intention, les pouvoirs publics ont complété le plan de soutien annoncé au début de la crise sanitaire. Nous en poursuivons, avec ce 3ème volet, la présentation actualisée.

 

crédit photo: Pixabay

Le gouvernement a lancé mi-mars un vaste plan de soutien aux entreprises contraintes à la réduction ou à l’arrêt de leur activité du fait de la pandémie de Covid-19.

Au fil des semaines, les différents dispositifs sont complétés ou étendus.

Organisations patronales, fédérations professionnelles et réseaux consulaires se mobilisent pour informer les chefs d’entreprises et les guider dans leurs démarches auprès des différents « guichets ».

Chiffres d’affaires nuls ou sérieusement amputés du fait de la mise à l’arrêt de très nombreux secteurs considérés comme « non-essentiels », font craindre à beaucoup d’indépendants, de dirigeants de TPE, commerçants, artisans,  la faillite, sinon la paupérisation.

Dans le commerce non-alimentaire, la restauration, le tourisme, l’événementiel, l’hôtellerie, la culture,  la situation est particulièrement critique, et la panoplie des mesures de soutien annoncées à ce jour par le gouvernement sera insuffisante, au fur et à mesure que s’éloigne l’horizon de la reprise de leur activité…

Selon une enquête réalisée début avril par le Conseil du commerce de France, 91% des commerces non-alimentaires n’ont plus  aucune activité, et un mois après le début du confinement, 21% d’entre eux pensent à une fermeture définitive, et ce chiffre monte à 30% chez les commerces indépendants.

55% des dirigeants de PME redoutent la faillite

Parmi les adhérents de la CPME, 55% des dirigeants redoutent la faillite de leur entreprise, d’autant que 36% des entreprises ne disposent pas d’une trésorerie leur permettant de couvrir plus d’un mois d’exploitation; 39% des TPE-PME interrogées déclarent subir des retards de paiement (1)

Selon la Confédération, 81% des entrepreneurs s’estiment bien informés sur des dispositifs de soutien qu’ils sollicitent massivement : 83% ont déjà fait une demande d’activité partielle, 51% une demande de report des échéances fiscales et sociales, 28% ont demandé à bénéficier du prêt garanti par l’État (PGE) et 60% des TPE ont sollicité l’aide du fonds de solidarité.

* Enquête en ligne réalisée par la CPME  du 2 au 12 avril 2020,  auprès de ses adhérents avec 3 416 réponses reçues.

Le ministère de l’Économie et des Finances a mis en place un portail sur son site qui détaille l’ensemble des dispositifs existants et les modalités pour en bénéficier, ainsi qu’un catalogue de questions-réponses en fonction des besoins et des situations spécifiques des entrepreneurs.

Nous actualisons, ci-dessous, la présentation de quelques unes des mesures emblématiques.

 

Fonds de solidarité pour les PME-TPE

Les conditions d’éligibilité à ce Fonds créé par l’État et les Régions ont été assouplies et élargies depuis le 15 avril. Le montant de ce Fonds devrait être porté de 1 milliard à 7 milliards d’euros.

Selon les chiffres publiés par Bercy le 21 avril, 700 000 entrepreneurs (sur 1 million de demandes) ont bénéficié de ce Fonds pour une indemnisation moyenne de 1 330 euros.

Pour qui? 

– TPE, micro-entrepreneurs, indépendants et professions libérales, employant moins de 11 salariés, avec un chiffre d’affaires (CA) annuel inférieur à 1 million d’euros et un bénéfice annuel imposable inférieur à 60 000 euros.

Les agriculteurs membres d’un groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC), les artistes-auteurs peuvent également bénéficier de ce Fonds.

Nouveau: les entreprises en redressement judiciaire ou en procédure de sauvegarde sont dorénavant éligibles au Fonds.

Les commerçants associés, par exemple des couples de commerçants, peuvent aussi en bénéficier : dans ce cas, le critère de 60 000 euros de bénéfice annuel imposable sera décompté par associé et non par commerce.

NouveauPour être éligible au Fonds, l’appréciation de la perte du CA en 2020 ne sera pas calculée par rapport au CA du mois d’avril 2019, mais sur la base de la moyenne mensuelle du chiffre d’affaires réalisé en 2019.  Cette modification permet d’intégrer dans le dispositif les PME dont le CA fluctue d’un mois à l’autre. Elle permet également de prendre en considération des entreprises créées il y a moins d’un an. 

Pour les situations les plus difficiles, un soutien complémentaire de 2 000 à 5 000 € peut être octroyé aux entreprises qui :

• ont déjà bénéficié du premier volet du Fonds (1 500 € ou moins),
• emploient, au 1er mars 2020, au moins un salarié en contrat à durée indéterminée ou déterminée,
• se trouvent dans l’impossibilité de régler leurs dettes exigibles dans les trente jours et le montant de leurs charges fixes, y compris les loyers commerciaux ou professionnels, dues au titre de mars et avril 2020,
• ont vu leur demande d’un prêt de trésorerie « PGE » faite auprès d’une banque refusée ou restée sans réponse passé un délai de dix jours.

>>>Des Régions proposent, en complément du Fonds auquel elles contribuent, des  aides d’urgence : infos & contacts synthétisés par Bpifrance dans un tableau récapitulatif

 

crédit photo : Gerd Altmann – Pixabay

Une « indemnité perte de gains » pour les indépendants et les dirigeants de sociétés non-salariés 

 

A l’initiative de la CPME, du Medef et de l’U2P , les travailleurs indépendants de l’artisanat et du commerce bénéficieront, en avril, d’une « indemnité de perte de gains »qui a été validée par le Conseil de la Protection Sociale des Travailleurs Indépendants (CPSTI), avec l’accord des ministères de tutelle.

Cette aide personnelle dont le montant pourra aller jusqu’à 1 250 euros sera modulable en fonction du niveau de cotisations de chacun au régime de retraite complémentaire des indépendants (RCI). Elle ne pourra cependant pas excéder le montant des cotisations annuelles au RCI, et sera uniquement conditionnée au fait d’être en activité au 15 mars 2020 et immatriculé avant le 1er janvier 2019.

Cette indemnité sera exemptée d’impôts et de charges sociales; elle pourra être cumulée avec l’aide du Fonds de solidarité.

Comment l’obtenir? L’indemnité sera versée par le CPSTI, via les URSSAF, sans que les indépendants concernés n’aient la moindre démarche à accomplir.

crédit photo : Aymane Jdidi – Pixabay

Forte demande de « PGE », le crédit de trésorerie garanti par l’État

Le gouvernement a mis en place avec la banque publique Bpifrance une garantie de l’État à hauteur de 300 milliards d’euros, afin de permettre aux entreprises d’obtenir auprès de leurs banques habituelles des crédits de trésorerie,  appelés « PGE » (prêts garantis par l’État), pour faire face aux besoins les plus urgents.

Le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, s’est réjoui que « l’immense majorité des demandes sont acceptées ».

Le 23 avril, Bercy précise que 250 000 entreprises ont obtenu un PGE pour un montant moyen de  140 000 euros, soit un total de 35 milliards d’euros.

Pour sa part,  le directeur général de Bpifrance, Nicolas Dufourcq, annonce d’autres chiffres sur France Info le 23 avril : 270 000 prêts auraient été accordés pour un montant total de 62 milliards d’euros, avec l’objectif d’atteindre les 100 milliards d’euros de décaissement…

Il a par ailleurs indiqué que Bpifrance travaillait à des dispositifs de financement spécifiques à l’intention de certains secteurs comme l’hôtellerie-tourisme, ou l’automobile…

  • Pouvant représenter jusqu’à 25% du chiffre d’affaires réalisé en 2019, le PGE est accordé pour une période d’un an avec un taux d’intérêt très faible. Il peut être transformé, au bout des douze mois, en un crédit à moyen terme sur 5 ans, assorti dans ce cas d’un taux d’intérêt plus élevé. L’entreprise peut faire plusieurs demandes consécutives de prêts à condition de ne pas dépasser le plafond des 25% du CA.

 

Selon Frédéric Oudéa, le président de la Fédération bancaire française, FBF, et directeur général de Société Générale, les banques ont reçu des demandes émanant de 290 000 entreprises en 17 jours, pour un montant total de 55 milliards d’euros.

Interrogé par France Info, le président de la FBF a indiqué que le taux de refus était inférieur à 5% des demandes de crédit.

Les banques se sont engagées à répondre aux demandes de crédit dans les 5 jours après réception du dossier, et, en cas de refus, à expliquer les raisons de ce refus.

Intervenant dans un Webinar organisé par le Medef Île-de-France, Jean-Paul Barbet,  délégué général à la Société Générale et président du comité régional des banques FBF, a assuré que le PGE est accordé sans problème à toutes les entreprises qui présentent « un historique et une rentabilité solide » (i.e. les bons clients NDLR).

Une deuxième catégorie de demandes concerne des entreprises présentant une « structure financière légère »; dans ces cas, a expliqué Jean-Paul barbet, le PGE ne peut être qu’une partie de la réponse aux difficultés rencontrées par l’entreprise, et il faudra sans doute envisager des solutions de renforcement des fonds propres…

Enfin, la troisième catégorie des candidats aux PGE, la plus problématique, ce sont les entreprises qui étaient déjà en difficulté avant la crise sanitaire. Celles-ci ont peu d’espoir d’obtenir des banques un concours de trésorerie, malgré l’engagement du gouvernement que « les entreprises entrées en procédure collective depuis le début de l’année puissent aussi être éligibles à ce dispositif alors qu’elles ne le sont pas aujourd’hui… »

Risque. Si l’État garantit 90% du montant du crédit octroyé, les 10% restant sont à la charge de la banque qui en supporte le risque sur ses ressources propres : « La banque garde donc une part de risque et réalise de fait les diligences adaptées et proportionnées avant l’octroi du PGE. Il n’y a pas de droit au PGE« , est-il souligné dans un document officiel.

« En cas de défaillance de l’entreprise bénéficiaire du crédit dans les deux mois consécutifs à l’octroi, la garantie de l’État ne pourra pas jouer », a précisé Jean-Paul Barbet…

Ceci conduira les banquiers à redoubler de prudence et à ne s’engager qu’avec des clients présentant le moins de risques. Ainsi que le confirme une enquête de terrain réalisée par la cellule Investigation de Radio France.

Même avant cette crise, les banques françaises se sont toujours montrées réticentes à accorder aux PME un « crédit global d’exploitation », une ligne de crédit annuelle sur laquelle l’entreprise peut tirer à son gré en fonction de ses besoins de trésorerie. La raison invoquée : « Dans ce cas on ne sait pas ce que l’on finance, le cycle d’exploitation de l’entreprise ou le revenu de ses dirigeants… » Les banques justifient leur prudence en invoquant le risque de « gestion de fait », argument qui pourrait leur être reproché en cas de faillite de l’entreprise…

  • Mais aussi, la sous-capitalisation structurelle des TPE, régulièrement pointée du doigt dans de nombreux rapports, pèse davantage encore en leur défaveur dans la crise actuelle où beaucoup d’entreprises sont privées de leur principale source de recettes, le chiffre d’affaires!

>>>PGE, marche à suivre :  les réponses aux questions que vous vous posez sur ce document officiel

Recours possible auprès du Médiateur du crédit

La Banque de France rappelle que les entreprises qui rencontrent des difficultés avec leur banque peuvent saisir la Médiation du crédit, « un dispositif au plus près des entreprises qui apporte un service gratuit et agit en totale confidentialité dans les 100 départements de France métropolitaine et d’outre-mer, via des médiateurs départementaux« .

>>>Pour saisir le Médiateur du crédit 

Avances remboursables

Pour les entreprises moyennes (50 à 250 salariés) ayant des difficultés à mobiliser des concours bancaires, le gouvernement envisage d’accorder directement des avances remboursables, sur la base d’un fonds doté de  500 millions d’euros, a annoncé Bruno Le Maire devant le Parlement:  « Cela permettra, par exemple, à une entreprise de décolletage de la Vallée de l’Arve, qui doit acheter immédiatement du matériel, de l’acier ou de l’aluminium, de payer ses fournisseurs et de redémarrer alors même qu’elle n’a pas de trésorerie. Nous faisons donc le choix de protéger une nouvelle fois massivement le tissu productif français. »

Prêts participatifs. Dans le cadre de l’examen du deuxième projet de loi de finances (PLF) rectificative pour 2020, la commission mixte paritaire Assemblée Nationale-Sénat a introduit, « pour les très petites et petites entreprises qui n’ont pas eu accès à un prêt bancaire garanti par l’État, un mécanisme subsidiaire de prêts participatifs adossés au Fonds de développement économique et social (FDES) que le gouvernement proposait par ailleurs d’abonder d’1 milliard d’euros supplémentaires. »

 

Préparer la reprise d’activité :  dialogue social et respect de l’obligation de sécurité pour éviter les risques de contentieux

La rue Crébillon sans voiture

Afin de préparer la reprise d’activité dans les secteurs non-alimentaires à compter du 11 mai, date officielle de la fin du « confinement », Walter France, réseau d’expertise comptable, fiscale, d’audit et de conseil indépendants, fait les recommandations suivantes aux entrepreneurs:

 

« Les informations quotidiennes sur le Coronavirus sont très anxiogènes.

« La première chose à faire est de rassurer ses salariés, qui vont s’inquiéter sur leurs conditions sanitaires de travail, et, dans les grandes agglomérations, sur les risques encourus lors des transports en commun.

« L’employeur doit impérativement anticiper la mise en place des mesures à prendre sur l’aménagement des postes de travail, les règles à respecter, etc. Il s’agit de les concevoir, de les valider avec le personnel, de les formaliser, de les diffuser et de les contrôler.

« Ce sont à ces conditions que l’employeur pourra éviter tout risque de mise en cause pénale sur son obligation d’assurer la sécurité de ses salariés. »

« Il est fortement recommandé d’aller plus loin en associant le Comité social et économique ou directement les salariés à la réflexion car ce sont eux qui savent quels seront les aménagements les plus efficaces.

« Depuis le début du confinement, le ministère du Travail a publié des fiches-conseils par métier téléchargeables; les entreprises ont tout intérêt à les utiliser et à se les approprier, ou à s’en inspirer pour rédiger leurs propres procédures. »

>>>Sur ce sujet, lire aussi le point de vue de Bernard Cohen-Hadad : « 30 jours pour préparer la reprise économique »