#LEMONDED’APRÈS (III)
Le travail n’en finira pas de se transformer!

Les changements qui transforment le monde du travail ont commencé bien avant la crise sanitaire. Mais celle-ci a accéléré certaines pratiques comme le télétravail. Dans ce troisième volet sur le « monde d’après », nous analysons les tendances et les défis qui marqueront le futur de la vie active.

crédit photo : Thedarknut – Pixabay

La crise sanitaire a relancé le débat sur la transformation, l’organisation et le sens du travail.

Travailler plus? Certaines voix, au gouvernement et dans le monde patronal, ont fait valoir que les Français devraient, globalement, travailler davantage pour compenser les deux mois d’inactivité forcée et la mise à l’arrêt de nombreux secteurs …

Travailler moins? D’autres, plutôt à gauche, chez les écologistes et chez les partisans de la « décroissance », sans doute enhardis par la généralisation du chômage partiel « généreusement  » payé par l’État, ont remis sur la table le plaidoyer en faveur d’une réduction du temps de travail : la « semaine de 4 jours », ou même, passer des 35 heures hebdomadaires aux 28 heures (sic), comme le préconisait initialement la Convention citoyenne pour le climat, dans une de ses propositions finalement « retoquée »… Ce raisonnement, au prime abord logique et intuitif, est en réalité contredit par les faits: le travail ne se « partage pas »! Il se multiplie : c’est le travail des uns qui crée l’emploi des autres. Plus une société, globalement, travaille, et plus elle génère des emplois.

Télétravail. Constat unanime : le recours au télétravail a explosé, confinement forcé oblige!

Selon certaines estimations, le nombre de télétravailleurs aurait été multiplié par dix au plus fort de la crise. Le chiffre de 5 millions de télétravailleurs a été avancé ( à comparer aux 23 millions de salariés des secteurs privé et public).

crédit photo : Matthew Henry – Burst

Pour beaucoup, il s’agissait cependant d’une solution « par défaut », afin de limiter les déplacements, les contacts physiques et donc,les risques de contamination…

Pour certains salariés ce fut une expérience positive : la possibilité d’organiser leur journée à leur guise, de trouver un nouvel équilibre de vie, d’exercer leur métier tout en profitant pleinement de leur chez soi…

Pour d’autres, ce fut une expérience frustrante :  chevauchement entre vie privée et vie professionnelle, source de stress et de tensions au sein du couple ou de la famille, réduction des relations sociales et des échanges informels avec les collègues, difficultés matérielles, manque d’espace ou d’équipements adéquats, sentiment de perte de statut social valorisant pour les cadres, sentiment d’enferment au « foyer » pour les femmes actives…

L’importance du « collectif de travail »

Selon certains observateurs, le télétravail contraint aurait accentué la fracture entre les cadres et les employés/ouvriers : les premiers pouvant réaliser une grande partie de leurs tâches à distance, depuis leur résidence, tandis que les seconds se voyaient  « condamnés » au chômage partiel, car affectés à des opérations d’exécution ou de production nécessitant leur présence dans l’entreprise… C’est notamment ce que souligne le Think-Tank Terra Nova dans une intéressante étude, « La révolution du travail à distance » , publiée ce printemps .

« Le travail est en train de se transformer dans le sens d’une plus forte expression de soi (créativité, autonomie) et d’une tentative de réduction des pénibilités », note aussi Terra Nova dans son étude. « Les difficultés exprimées par ceux qui semblent vivre le plus mal le travail à distance tiennent d’abord aux conditions et à l’environnement (matériel, familial…) dans lesquels ils le pratiquent, ainsi qu’au fait qu’ils sont très majoritairement totalement novices dans l’exercice, » analyse l’étude. Qu’ils l’aient vécue positivement, ou plus difficilement, cette expérience du télétravail, devrait en tout cas inciter les actifs à réfléchir, estime Terra Nova, « à la conciliation de leur vie professionnelle et de leur vie privée, et à la place qu’ils souhaitent accorder à chacune d’elles dans le futur. (…) Ils auront aussi perçu les limites et les manques (du travail à distance).  À commencer par la valeur du collectif de travail, de l’environnement social, humain et professionnel qu’apporte le travail en coprésence et qui semble avoir fini par manquer à nombre de personnes interrogées. »

« Priorité à l’humain! »

Bernard Cohen-Hadad, président de la Cpme Paris

Pour Bernard Cohen-Hadad, dirigeant d’un cabinet d’assurance et président de la CPME Paris, « ce télétravail de crise n’a pas été anticipé et a donc été pratiqué de manière encore largement informelle. Plus de la moitié des salariés en télétravail sont des primo-télétravailleurs. Ils ont pu toucher du doigt quelques-uns de ses inconvénients : isolement, moindre dynamique et créativité de groupe, brouillage des temps professionnel et extra-professionnel avec le risque empiétement sur la vie privée et familiale, stress, difficulté à faire valoir certains droits, etc. »  Et de souligner que « l’ensemble des relations sociales au sein de l’entreprise – entre le salarié et son employeur, entre le salarié et ses collègues – sont ainsi bouleversées par cette nouvelle organisation du travail.   Certains collaborateurs vivent parfois la distance comme un éloignement. Ils n’y sont pas forcément préparés, formés ou disposés. La greffe du télétravail ne prendra que s’il est choisi et non subi, que s’il est organisé et encouragé. Il faut donc penser autrement la vie de l’entreprise tout en continuant à donner la priorité à l’humain pour préserver l’envie de travailler ensemble qui fait la force des TPE-PME : formation continue à la maîtrise des outils numériques, valorisation des potentiels humains, prise en charge des frais induits pour un télétravail dans les meilleures conditions, etc. »

Dialogue social. L’intensification de l’intervention de l’État dans l’économie, à la faveur de la crise sanitaire, a éclipsé le rôle des partenaires sociaux (syndicats/patronats) dans l’animation du « dialogue social », indispensable à la bonne marche de l’entreprise et à la prospérité économique.

La spécificité française, avec un quart des travailleurs opérant dans le secteur public, fait aussi de l’État un acteur du » paritarisme », à condition qu’il n’outrepasse pas son rôle et n’abuse pas de sa nature régalienne…

Les négociations récentes sur les retraites et sur la réforme de l’assurance chômage, ont démontré que ce paritarisme fonctionne cahin-caha, que le « dialogue social » est loin d’être optimal dans notre pays, à la différence de ce qui se passe en Allemagne ou dans les pays scandinaves.

Les transformations du travail qui sont aujourd’hui à l’oeuvre exigent de revivifier la démocratie sociale.

Retrouver du sens. Après l’épreuve du confinement et les consignes persistantes de « distanciation », le grand défi des prochains mois pour les dirigeants d’entreprise sera de reconstruire du « travailler ensemble », de remotiver les collaborateurs autour d’un projet partagé, et d’aider chacun à donner du sens à ce qu’il fait.

Tous les métiers ne peuvent pas s’exercer en télétravail

Tous les métiers ne se prêtent pas au télétravail.

Celui-ci est adapté à des tâches intellectuelles, administratives, comptables, financières, à des fonctions d’études, de marketing, d’analyse et de gestion de données, notamment.

Par ailleurs, le télétravail intégral a montré ses limites: malgré un recours intensif aux conf’call, aux visioconférences, aux messageries, les équipes ont besoin de se rencontrer, d’échanger, pour partager leurs informations et tisser une « intelligence collective », laquelle fait souvent la différence compétitive, d’une entreprise à l’autre.

De nombreux dirigeants estiment préférable de limiter à deux jours par semaine la possibilité pour leurs collaborateurs de télétravailler, de façon à garder un lien en « immersion » dans l’entreprise le reste du temps.

Seuls certains consultants et free-lance pourraient envisager un télétravail intégral, et encore! Ils ne doivent pas oublier la dimension commerciale de leur métier: la rencontre, en face à face, avec le client et le prospect demeure irremplaçable.

Certains font valoir qu’il ne faut pas entrer dans une opposition binaire Télétravail à la maison/Travail dans l’entreprise: différentes combinaisons stimulantes peuvent être imaginées, en intégrant par exemple l’usage de centres de co-working ou de bureaux partagés que des collectivités locales pourraient édifier près des gares, comme alternatives au « travail chez soi ».

Le débat est loin d’être épuisé. D’ailleurs les syndicats s’en sont emparés et demandent des négociations avec les représentants patronaux afin de définir un cadre « normé » qui prenne en compte les nouvelles contraintes induites par le télétravail et qui pèsent sur le salarié (par exemple, respecter des plages de déconnexion) ainsi que ses conséquences matérielles (mise à disposition d’équipements dédiés; défraiement du salarié et contribution au loyer; tickets-repas; etc.) *

Entreprise hors les murs. Côté employeurs, hormis quelques exemples médiatisés favorables à la généralisation du télétravail (Twitter, Facebook, PSA…), toutes les entreprises ne sont pas prêtes à maintenir leurs salariés chez eux.  On ne verra pas de sitôt se généraliser « l’entreprise sans locaux »… Même si certains en escomptent une source d’économie substantielle en termes de charges immobilières, notamment dans les grandes métropoles.

Outsourcing. Cependant, restons en éveil sur ce qu’a fait apparaître ce recours au télétravail à grande échelle : si telle ou telle fonction de l’entreprise peut s’effectuer à distance, elle peut donc s’externaliser et pas seulement dans les provinces françaises; elle peut être délocalisée à l’étranger et confiée à des collaborateurs expérimentés vivant à des milliers de kilomètres, avec des rémunérations moins élevées que chez nous, et des charges sociales plus « légères », voire inexistantes…

* Télétravail et respect de la vie privée : les obligations de l’employeur

« La sécurité des systèmes d’information et le respect de la vie privée des salariés sont des éléments clé de la mise en place des outils de télétravail », rappelle dans un guide pratique le cabinet d’avocats TaylorWessing:  « L’employeur peut contrôler et restreindre les outils informatiques mis à disposition de ses salariés (internet, messagerie, etc.) afin de limiter les risques d’abus d’une utilisation trop personnelle de ses outils (ex : consultation de sa messagerie personnelle, achats de produits en ligne, discussions sur les réseaux sociaux, etc.) mais ce contrôle ne doit pas être excessif ou illicite. A ce titre, la CNIL pose les règles suivantes : l’employeur ne peut pas recevoir en copie automatique tous les messages écrits ou reçus par ses employés ; l’enregistrement à distance de toutes les actions accomplies sur un ordinateur («keylogger») n’est possible qu’en cas de circonstance exceptionnelle liée à un fort impératif de sécurité ;  les logs de connexion ne doivent pas être conservés plus de six mois. La question de la surveillance des salariés se pose d’autant plus lorsque l’employeur a préconisé l’utilisation du matériel informatique personnel du salarié (« Bring Your Own Device « ). Dans ce cas, la CNIL rappelle que l’employé ne peut pas prévoir de mesures ayant pour effet d’entraver l’utilisation d’un équipement (ordinateur ou smartphone) dans un usage privé, au motif que cet équipement est susceptible d’être utilisé pour accéder au système informatique de l’entreprise. De la même manière, un employeur ne peut accéder ou encore s’arroger le droit d’effacer à distance des éléments relevant de la vie privée stockés sur l’équipement en question. » (in « Télétravail et données personnelles » – TaylorWessing- juin 2020 )

 

Les métiers de services de proximité réhabilités

Crédit photo : Pixabay

L’un des effets positifs de la crise sanitaire est d’avoir fait prendre conscience de l’importance irremplaçable de métiers et de fonctions parfois méprisées, sinon « ignorées ».  Outre les professionnels de la santé, tous les actifs qui assurent des services du quotidien et de la proximité : agriculteurs, maraîchers, éleveurs, transporteurs, livreurs, hôtes de caisse, manutentionnaires, agents d’entretien, réparateurs, artisans, commerçants, auxiliaires de vie, chauffeurs, etc.

Cette armée de petites mains hier encore « invisibles », ces travailleurs de l’ombre ont permis au pays de s’alimenter et de tenir debout pendant la crise. une sorte de revanche de l’économie traditionnelle sur la « Start-Up-Nation » portée au pinacle il y a peu!

Ces métiers ont l’avantage pour notre économie de ne pas être « délocalisables ». Et beaucoup ne pourraient pas être remplacés par des robots…

La prise de conscience du caractère irremplaçable de ces services du quotidien doit cependant se doubler du constat que pour la plupart ils sont peu rémunérateurs pour ceux qui les prodiguent.

Le système du low-cost qui en quelques décennies s’est diffusé à l’ensemble de l’économie consumériste a fait perdre la notion de « prix juste » au profit du « prix bas », au nom de la défense du « pouvoir d’achat »… Rappelons que ces prix bas n’ont pu devenir la « norme » qu’à plusieurs conditions : la délocalisation des productions vers les pays à faible coût de de main d’oeuvre; l’automatisation des chaînes de production et la généralisation des circuits en flux tendus; la réduction des effectifs ou leur externalisation; l’écrasement des marges des sous-traitants et fournisseurs… Or ces facteurs ne sont pas applicables aux métiers des services de proximité qui reposent essentiellement sur le facteur humain. Une auxiliaire de vie ne peut être automatisée, elle ne peut se « dédoubler » et la qualité de sa prestation repose sur le temps qu’elle consacre à ses usagers.

Un « Grenelle » des services de proximité…

Il est donc indispensable qu’après le Ségur de la Santé qui a justement revalorisé les rémunérations des personnels hospitaliers, notre pays puisse engager une sorte de « Grenelle des services de proximité » visant à mettre au point un modèle économique gagnant-gagnant pour tous ces métiers du quotidien : comment mutualiser les coûts et les charges? Comment convaincre les consommateurs d’accepter de les payer à leur « juste » prix? Un peu à l’exemple de l’opération « C’est qui le patron?! » qui permet, moyennant une augmentation de quelques centimes du prix des produits laitiers, de mieux rémunérer leurs producteurs.

Extension de la « Digital Life », selon Denis Ettighoffer

Denis Ettighoffer, auteur et conférencier

 

Technologue, futurologue, Denis Ettighoffer avait anticipé, dès les années 1990, les transformations de l’économie et des entreprises sous l’effet des TIC (technologies de l’information et de la communication), analysant les processus de « dématérialisation » et de « virtualisation » concernant de nombreuses opérations.

Il estime aujourd’hui que la crise du coronavirus ne fera que renforcer ces tendances déjà à l’oeuvre : « Les entreprises vont s’habituer à la « prise de distance » en améliorant les techniques utilisées et les pratiques du travail en équipe. Observation qui nous renvoie au rôle de la dématérialisation dans nos économies. »

L’auteur de « L’Entreprise Virtuelle ou les nouveaux modes de travail«  (1992), nous invite à relire un article qu’il a publié il y a dix ans sur la « Digital Life » (la vie digitale) :

« La Digital Life est une solution pour renouveler notre approche du développement durable et des modes de consommation des pays avancés. Quoi de plus efficace et éco-efficient, en effet, que de continuer à dématérialiser nos activités et produire des services à distance ? (…)

La subsidiarité croissante entre biens matériels et biens numériques a pour conséquence d’améliorer le bilan énergétique d’une économie.

Grace aux réseaux numériques, les modes coopératifs de travail, de création de richesses et de partage des biens immatériels s’affirment comme une alternative éco-efficiente et un scénario de gestion économe de nos ressources traditionnelles. (…)

La dématérialisation a contribué à diminuer le coût des transactions entre organisations et individus. Ce qui a permis des économies spectaculaires pour des organisations de plus en plus nombreuses travaillant en flux tendus grâce à l’e.administration.

Avec leur Intranet, les entreprises fluidifient les processus et les manipulations-papiers et les échanges de contenus : courrier entrant, données métier, brochures, etc.

Les bureaux virtuels permettent la simulation et l’accès à des services-bureaux en ligne en contribuant à améliorer le bilan énergétique des activités du tertiaire. Empiriquement, on s’accorde sur le fait que la contribution économique des investissements immatériels est proportionnellement d’autant plus significative que le nombre d’organisations interconnectées s’accroît. (…)

crédit photo: Gerd Altmann – Pixabay

Les réseaux électroniques engendrent également plusieurs bénéfices indirects : une réduction relative des espaces de bureau ou d’entrepôts consacrés à l’archivage papier ainsi qu’une diminution des personnels chargés de la gestion des courriers. De même, des milliers de cadres ou de collaborateurs de l’entreprise deviennent plus efficaces grâce aux « Call-conferences » qu’ils utilisent à tour de bras.

Une Visio ou une Call-conference coûte bien moins cher que d’envoyer quatre ou cinq salariés en voyage pendant une journée pour une réunion de quelques heures. C’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit de tenir un cours de mise à niveau pour une dizaine d’agents installés à des centaines voire à des milliers de kilomètres du siège. » (….)

Pour Consulendo, Denis Ettighoffer a dressé la liste des grandes tendances qu’il voit s’affirmer à la suite de la crise de Covid-19 :

Internet

• Reconnu comme ressource vitale
• Conflits de souveraineté latents
• Renforcement de la Cybersécurité
• Maintien d’une forte demande de bandes passantes.

Travail

• Augmentation de la durée du travail journalier mais avec moins de jours travaillés
• Semaine de travail sur quatre jours pour le redéploiement des ressources humaines
• Forte augmentation des services et emplois à domicile
• Renforcement des contrôles du chômage.

Modes de vie & Consommation

• Accélération des modes de « télévie », de télémédecine et de télétravail
• Ecologie favorisée par la productivité énergétique chez les particuliers et les entreprises
• Multiplication des circuits courts
• Diminution des importations alimentaires
• Augmentation des prix alimentaires
• Engouement pour le recyclage

Société

• Multiplication des applications de la numérisation dans la distanciation sociale
• Explosion des avatars
• Applications pour protéger le patrimoine immatériel des familles
• Recentrage de la famille sur elle-même.
• Vogue de l’autoproduction.

Education & Formation

• Relance et sophistication des pratiques de télé-enseignement
• Augmentation des campus virtuels (travail de groupe)
• Moindre importance du présentiel (travaux par objectifs)
• Accentuation de la concurrence aux formations en ligne.

Energie

• Augmentation du prix de l’électricité
• Augmentation du prix de l’essence
• Multiplication des projets de production d’énergie « zéro carbone »

Télécommunications

• Déploiement du plan 5G
• Accélération du plan câble pour les régions encore en retard
• Augmentation des taxes sur les consommations des télécoms.

Automobile

• Accélération des reconversions « zéro carbone »
• Reconversions industrielles majeures
• Modification du design des véhicules
• Soutien à la commercialisation de véhicules « zéro carbone »

Finances & Fiscalité

• Augmentation du paiement sans contact
• Renforcement des contrôles
• Accélération de la vente des actifs non stratégiques par le gouvernement
• Fiscalité de l’année 2020 en partie décalée sur 2021

• Augmentation de la TVA (sauf produits de première nécessité)
• Augmentation des prélèvements (taxe carbone)
• Fin de l’exception fiscale des plus-values sur les résidences principales (elle contribue à l’augmentation généralisée du foncier)

Assurances

• Modification des contrats de santé
• Ouverture de nouveaux droits (notamment pour la gestion de fin de vie)
• Protection des biens immatériels.

Santé

• Réorganisation pour une santé en temps de guerre
• Sensibilité à l’obésité et à l’importance du sport
• Requalification technique des zones de compétences
• Généralisation de la téléconsultation et de la télégestion des malades à domicile
• Contrôles renforcés pour les ayants droits.

Urbanisme et territoires

• Relocalisation industrielle et délocalisation des urbains
• Soutient aux investissements des particuliers en suburbain
• Relance des centres communaux de services partagés.

* * * 

Les métamorphoses du travail

crédit : Fernand Léger – « Les constructeurs à l’aloès » (détail) – Tapisserie – Manufacture d’Aubusson – Musée Fernand Léger Biot

Les réflexions qui suivent sont une synthèse des enquêtes et dossiers consacrés au travail, publiées au cours de ces dernières années sur Consulendo.com

 

La « troisième » révolution industrielle, née du mariage des télécommunications, du numérique et de la robotique, transforme la nature du travail, son organisation et peut être aussi son sens.

Par rapport aux précédentes révolutions techniques des deux précédents siècles (industrielle, électrique), le numérique frappe par la vitesse de sa diffusion sociale et géographique.

L’électricité a mis près d’un siècle à se diffuser à l’ensemble des populations ; le téléphone quelque soixante-dix années; la télévision une quarantaine d’années… Le portable est devenu en moins de vingt ans un ordinateur de poche connecté, y compris dans les pays en développement (800 millions d’Africains utilisent un smartphone !).

 

L’Internet s’est diffusé à l’ensemble du globe en moins d’une génération. Dans son sillage, les réseaux sociaux ont conquis des milliards d’adeptes en moins de dix ans.

En moins de cinq ans, les plateformes dites « collaboratives », proposant une multitude de services, ont rallié un nombre croissant d’utilisateurs.

Le e-commerce, les ventes en ligne conquièrent chaque année des parts de marché supplémentaires sur le commerce « traditionnel » en magasins…

Comme l’électricité, le numérique (Digital en anglais) est une technique diffusante qui irrigue tout ce qu’elle innerve et connecte : les outils, les canaux, les interfaces, les réseaux, les process. Et ce, en tous lieux, en même temps, à grande vitesse. Le numérique est l’Esperanto de notre modernité, le langage commun qui permet toutes les interconnections : homme-machine ; machine-machine ; objet-objet…

Accélérant la mondialisation des échanges de biens, de services, d’informations et de « données » (Big Data), les technologies numériques, souples, véloces et protéiformes, se sont déployées aussi bien dans l’espace professionnel que dans l’espace privé, domestique. Au point que le numérique devient quasi « invisible » au quotidien, comme l’électricité l’est devenue dans la seconde moitié du vingtième siècle.

La « révolution » numérique brouille la frontière classique entre lieux de travail et lieux de vie. Travail et divertissement utilisent de plus en plus, alternativement ou concomitamment, les mêmes supports…

 

  • Le modèle prégnant de l’usine (elle-même héritière de « l’atelier » pré-industriel), sur lequel s’est bâtie la grande entreprise « taylorienne » du 20ème siècle, a volé en éclat : sous-traitance, outsourcing, délocalisation, réseaux, clusters… tendent à créer une entreprise multimodale, à géométrie variable, disséminée, à la fois géographiquement et « virtuellement » (Web, Réseaux, Cloud…).

 

  • La séparation traditionnelle entre producteurs et distributeurs tend à se brouiller, des producteurs investissent dans des réseaux de distribution, tandis que des « commerçants » deviennent aussi fabricants.
  • L’économie du 21ème siècle se caractérise aussi par une forte intensité de services liés à chaque bien vendu : à l’instar de la mutation historique d’IBM, l’entreprise vend moins des « produits » bruts que des « solutions »… Le groupe Michelin propose ainsi des services de location de longue durée des pneumatiques qu’il produit, entretien inclus dans la prestation.

 

  • Les entreprises intègrent de plus en plus dans leur chaîne créative et productive le consommateur final, sollicité pour améliorer l’offre, l’enrichir par des innovations, ou même en l’associant directement à la conception de nouvelles offres (on parle alors de« consommation collaborative »). Tandis que, poussant jusqu’au bout cette logique, les plateformes dites « collaboratives » transforment leurs « clients » en prestataires.

 

  • Le numérique « irrigue » tous les métiers et modifie leur nature, leur organisation, même les tâches les plus humbles. Tel le boitier connecté qui équipe les livreurs : il planifie leur tournée, permet un récépissé immédiat de la livraison, et suit à la trace chaque collaborateur de l’entreprise…

 

  • L’ obsolescence rapide des techniques/supports, comme celle des usages ou des comportements d’achat, constitue un défi considérable pour les entreprises : dans leur offre produits/services, elles doivent répondre à un client/consommateur de plus en plus versatile, imprévisible, infidèle et parfois contradictoire…
  • Dans le même temps, en interne, elles ont à fournir un effort sans précédent d’adaptation/formation de leurs collaborateurs aux nouveaux outils/process induits par la transition numérique (voir infra), et aussi faire travailler ensemble, en leur sein, des générations différentes. Tout ceci dans un contexte hyper-concurrentiel qui tire les prix vers le bas (injonction pressante du low-cost !) et réduit les marges commerciales…

 

L’enjeu pour les entreprises est double : mobiliser suffisamment de capital pour financer la transformation numérique ; mobiliser et valoriser leur « capital humain » pour réussir cette transition.

 

De nouvelles organisations du travail, un nouveau management

La grande transformation numérique en cours oblige à repenser complètement les modes d’organisation et de management des entreprises.

Le modèle classique du salariat en CDI (contrat à durée indéterminé), dans un même emploi dans la même entreprise durant toute une carrière paraît dépassé; un paradoxe alors que la crise sanitaire a renforcé la demande de protection et de sécurité…

D’où les réflexions et propositions pour que le bénéfice de la protection sociale soit rattaché à chaque individu, tout au long de sa vie active, et non plus subordonné à chaque entreprise qui l’emploie.

Parallèlement, depuis deux décennies, ne cesse de s’affirmer un besoin d’autonomie et de réalisation de soi dans un métier, qui s’est traduit par un essor remarquable de la création d’entreprises et du travail indépendant (création du régime de l’auto-entrepreneur en 2009).  Cette tendance a alimenté commentaires et débats sur une supposée « fin du salariat » qu’il convient de considérer avec prudence : les indépendants ne représentent pour l’instant que 10% de la population active !

Mais, il n’en reste pas moins vrai, que le parcours professionnel de chacun sera de plus en plus multiforme, multi-statuts, enchaînant, voire combinant, des phases de salariat et des phases d’entrepreneuriat, ou d’intrapreneuriat.

Ce parcours protéiforme qui semble devenir la norme, sera d’autant mieux accepté par le corps social s’il peut être mis en place un système de sécurité sociale universelle, couvrant toute les phases d’activité, de non-activité et de formation de chacun.

De même que l’actionnariat salarié a vocation à se développer, procurant des revenus supplémentaires aux collaborateurs de l’entreprise, les associant à sa gouvernance et réduisant l’antagonisme stérile capital/travail…

Dans cette « nouvelle » économie plus immatérielle, informationnelle et relationnelle, les entreprises devront privilégier et investir dans leur « capital humain », en ayant conscience qu’il est tout aussi précieux que leur capital financier. Cela signifie d’investir fortement dans la formation initiale et continue des collaborateurs de l’entreprise, sommes qui ne devraient plus seulement être considérées comptablement comme des « dépenses d’exploitation » mais figurer au bilan de la société!

« L’avantage compétitif » des entreprises dépend de plus en plus de la qualité des services qu’elles apportent à leurs clients, de leur créativité, ainsi que de l’innovation, de la réactivité, du traitement des informations stratégiques et des données-clients (Big Data) … Cela suppose de pouvoir compter sur des expertises pointues, des talents et des « savoir-être » des collaborateurs qu’il faudra fidéliser.

Les mutations en cours de l’économie et de l’entreprise impliquent de nouvelles formes de management.

Comme on l’a souligné plus haut, l’essor du télétravail, remet en cause les schémas traditionnels de contrôle et de surveillance du modèle hiérarchique et taylorien qui perdure encore dans de nombreuses entreprises et administrations.

Il faudra remettre à plat les pratiques bureaucratiques, la sur-administration, l’inflation du reporting, les procédures rigides… pour initier de nouvelles formes d’organisation plus agile, plus réactive et plus collaborative. En s’inspirant des meilleures pratiques existant dans certaines entreprises dites « libérées » ou de la nouvelle économie : travail collaboratif, réduction des niveaux hiérarchiques, autogestion des tâches en petits groupes, droit à l’initiative et à l’expérimentation, télétravail à la carte, horaires souples sur la semaine et sur l’année, reconnaissance du droit à l’erreur, intéressement et actionnariat salarié, etc.

Bref, tout ce qui peut stimuler et mobiliser l’intelligence collective!

J.G.

>>> À lire:

 

Editions de l’aube

« Au boulot -Manifeste pour le travail » Laurent Berger-Denis Lafay – Editions de l’Aube – 2018.

En 2016, la CFDT a réalisé une vaste enquête auprès de 200 000 salariés, faisant apparaître l’attachement de chacun à son boulot. Facteur structurant de la vie, le travail peut-il devenir source d’émancipation et d’une plus grande autonomie, au carrefour des choix individuels et des organisations collectives?

 

 

Editions de L’Observatoire

« Le travail est l’avenir de l’homme » – Nicolas Bouzou – Editions de L’Observatoire – 2017.

L’économiste et chef d’entreprise Nicolas Bouzou répond dans ce livre aux craintes de ceux qui voient dans les TIC, la robotique, l’intelligence artificielle, une menace pour l’emploi. Non, le travail n’est pas fini comme l’annoncent certains prophètes, mais il peut sauver le monde!

 

 

 

 

« Le travail et l’emploi au cœur des transformations sociales » – Numéro 37 de la revue Entreprendre & Innover – Editions Deboeck- 2018