Projet de loi PACTE : le Sénat réforme les seuils sociaux

Le Sénat a entamé le 16 janvier 2019 l’examen du projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) et amendé le texte adopté cet automne par les députés. Parmi les correctifs apportés par la Chambre Haute, le relèvement à 100 salariés du seuil d’application des contraintes sociales s’appliquant à partir de 50 salariés. De façon à ne pas dissuader les PME de grandir…

 

La commission spéciale du Sénat sur la loi PACTE présidée par Catherine Fournier (3ème en partant de la gauche sur la photo) lors de ses travaux.

La commission spéciale du Sénat, présidée par Catherine Fournier, sénatrice Union centriste du Pas-de Calais, a procédé à l’examen du texte du projet de loi PACTE (pour la croissance et la transformation des entreprises) les 16 et 17 janvier 2019, à partir du  rapport d’ Elisabeth Lamure (Les Républicains – Rhône), de Jean François Husson (Les Républicains – Meurthe-et-Moselle) et de Michel Canevet (UC – Finistère).

La commission spéciale a « simplifié, modernisé et complété » les dispositifs du projet de loi adopté cet automne par l’Assemblée nationale, tout en veillant à conserver un cadre protecteur des intérêts publics et des intérêts des consommateurs et à garantir une sécurité juridique indispensable« , est-il précisé dans un communiqué.

Parmi les aménagements apportées au texte de loi, soulignons notamment les points suivants :

  • Réforme des seuils sociaux : 

A partir du 1er janvier 2021, seraient relevés à 100 salariés les seuils de l’ensemble du code du travail actuellement fixés à 50 salariés, compte tenu de la concentration des nouvelles obligations s’appliquant lorsqu’une entreprise franchit le seuil de 50 salariés et de l’inadéquation de ce seuil pour la croissance des entreprises (article 6 bis A), tout en confirmant les nouvelles règles d’appréciation et de franchissement des seuils d’effectifs salariés s’appliquant à certaines obligations sociales et fiscales (articles 6 et 6 bis du projet de loi).

 

  • Cession-transmission d’entreprise :

La commission sénatoriale a abrogé le droit d’information préalable des salariés en cas de cession de leur entreprise, qui par son caractère systématique et le délai de deux mois qu’il instaure entre la notification de l’information aux salariés et la possibilité de procéder à la cession peut compromettre les projets de reprise lorsqu’ils existent et instauré parallèlement une obligation d’information des salariés, en cas de redressement judiciaire de l’entreprise lorsque le tribunal de commerce décide d’un plan de cession et que tout doit être mis en œuvre pour retrouver un repreneur (article 62 septies) ;

 

  • Responsabilité sociale et environnementale des entreprises :

La commission spéciale veut éviter que la modification du code civil ne devienne une nouvelle source de contentieux. Tout en approuvant la philosophie de la réforme de l’article 1833 du code civil relative à l’intérêt social, la commission dit chercher à éviter que celle-ci ne conduise à faire peser de nouvelles obligations aux sociétés et à créer de nouveaux risques contentieux, afin qu’un juge ne puisse exiger d’une société qu’elle apporte la preuve qu’elle a bien pris en considération ces enjeux (sociaux et environnementaux) dans son processus interne de décision en l’absence d’obligation légale particulière (article 61) ;

– Cependant, la commission approuve la faculté pour une société de se doter, statutairement, d’une « raison d’être » en vue de laquelle elle pourrait affecter des moyens particuliers (article 61 bis) . Elle a aussi conservé le dispositif de la « société à mission », niveau le plus abouti de la société engagée, tout en proposant une rédaction dont la simplicité pourra davantage en garantir le succès (article 61 septies).

Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire et la sénatrice Catherine Fournier

 

  • Création d’entreprises :

Le projet de loi PACTE prévoit la création d’un « registre général dématérialisé » destiné à centraliser les informations relatives aux entreprises actuellement contenues dans les registres du commerce et des sociétés, aux répertoires des métiers et aux registres des actifs agricoles. Progressivement mis en place à horizon 2021, et accessible en ligne, ce registre général doit fusionner les deux principaux registres actuels, les registres du commerce et des sociétés, et celui des métiers.

La commission sénatoriale dit accepter le principe d’un tel registre général dont l’objectif est de simplifier les démarches des entreprises, de réduire les coûts et les délais de traitement et d’améliorer l’accès aux informations, tout en privilégiant la création d’un registre commun ne remettant pas en cause les répertoires et registres existants (article 2).

Cependant la commission souhaite que soient « assurées les conditions d’un accompagnement des entrepreneurs efficace et adapté à leurs besoins, notamment ceux des TPE et PME. »

À ce titre, elle a :

réintroduit l’obligation de suivi d’un stage pour accompagner l’installation des artisans, qui désormais ne serait plus un préalable à leur immatriculation au répertoire des métiers (article 4) ;

supprimé la réforme du conseil d’administration de Business France, en s’opposant à l’éviction des chambres de commerce et d’industrie et des organisations professionnelles, afin de mieux associer les entreprises et les réseaux consulaires à la réforme annoncée du service public de soutien à l’export (article 7);

– poursuivi l’amélioration des dispositions relatives au droit de présentation d’un successeur par un commerçant de halle ou de marché, qui sera réservé aux titulaires d’emplacements disposant d’une ancienneté minimale de trois ans (article 13 septies) ;

accompagné la mutation en cours du réseau des chambres de commerce et d’industrie (CCI) en prévoyant des dispositifs sécurisant la situation de l’ensemble de ses personnels (possibilité donnée aux CCI d’adhérer à l’assurance-chômage, maintien des contrats ou engagements de travail en cas de transfert de personnels, dispositifs garantissant l’exercice des droits collectifs des employés) et facilitant les restructurations des établissements et entités du réseau (transformation des associations créées par les CCI en sociétés anonymes, suppression des guichets des centres de formalités des entreprises dès 2021, maintien d’une politique de péréquation budgétaire entre les chambres) (articles 1 et 13 à 13 quinquies) ;

refusé la régionalisation forcée du réseau des chambres de métier et de l’artisanat et la suppression de ses chambres départementales, afin de maintenir les actions de proximité en faveur des artisans (article 13 bis A) ;

favorisé la mutualisation des actions des réseaux consulaires (chambres de commerce et d’industrie, des chambres de métier et de l’artisanat ainsi que des chambres d’agriculture), en laissant néanmoins à ceux-ci une totale liberté dans la nature des actions à entreprendre et dans les modalités de cette mutualisation qui pourra ainsi varier en fonction des situations locales (articles 13 bis B et 13 bis C).

Par ailleurs, la commission sénatoriale a assoupli encore davantage le régime des actions de préférence, afin de les rendre vraiment utiles pour les entreprises en croissance à la recherche d’investisseurs (rachat à l’initiative du détenteur, garanties sur le versement des dividendes, relèvement de la proportion du capital social que peuvent représenter les actions de préférence) (article 28) ;

Le texte de la commission sera examiné au Sénat en séance publique à compter du mardi 29 janvier 2019.