Être un dirigeant responsable ?
Mode d’emploi par Frédérique Jeske

La responsabilité sociale et environnementale (RSE) s’impose désormais à toutes les entreprises depuis la promulgation de la loi PACTE. Mais comment être un dirigeant « responsable »?  Engagée dans l’écosystème entrepreneurial, Frédérique Jeske*, vient de publier un guide destiné à éclairer les chefs d’entreprise dans cette démarche de progrès. Ce livre s’appuie sur sa propre expérience de dirigeante, sur ses convictions humanistes ainsi que sur 43 témoignages d’experts et d’entrepreneurs mis à contribution. Extraits de son plaidoyer.

 

Frédérique Jeske

Frédérique Jeske :

« Le dirigeant a une responsabilité à se développer, pour développer son entreprise »

 

« Nous vivons une époque assez exceptionnelle : innovations, transformation numérique, enjeux environnementaux et sociétaux majeurs, émergence de nouveaux business modèles et de nouveaux usages, remise en question du management traditionnel…

L’entreprise est questionnée comme jamais elle ne l’a été!

Accélération du temps, complexité, incertitudes, changement continu et paradoxes font partie de notre quotidien…

La digitalisation et l’économie de la connaissance changent toutes les règles du jeu économique et les attentes du consommateur et des salariés : les entreprises qui ne comprendront pas ces mutations risquent d’en souffrir, voire de disparaître.

Pour vous, en tant que dirigeants, tout cela induit une tension permanente entre la gestion du quotidien et la vision stratégique : chacun d’entre nous doit être à la fois gestionnaire (pour gérer le temps court de l’entreprise) et visionnaire (pour gérer le temps long et la croissance durable).

Vous êtes en première ligne pour relever le défi des mutations en cours : Il ne s’agit pas seulement de transformation digitale, mais il s’agit de conduire le changement en continu, un changement qui sera sans doute à la fois culturel, organisationnel, managérial et humain, pour faire ou refaire de l’entreprise non seulement un lieu de création de valeur économique, mais aussi un lieu de vie et de création de valeur humaine.

Emery Jacquillat, PDG de la Camif, l’une des premières entreprises à mission française et contributeur dans l’ouvrage, le décrit de la manière suivante : « Nous devons repenser le rôle de nos entreprises : quel sens leur donner ? Pourquoi se lever le matin ? Il faut se réinventer ».

Ce qui est certain, c’est qu’en tant que dirigeants, vous êtes plus que jamais en responsabilité et vous êtes désormais des « porteurs de sens » face aux changements qui s’accélèrent!

Quatre constats ont précédé l’écriture de ce Guide, issus de ma propre expérience de dirigeante et de l’observation des entrepreneurs de mon réseau professionnel :

• Le premier, c’est qu’une entreprise qui ne grandit pas va vivoter, péricliter voire même disparaître !
Dans l’environnement actuel, il est impératif de développer dans l’entreprise un esprit d’ambition, un esprit de croissance, qui va porter l’entreprise vers l’avenir et permettre sa croissance durable.
Il me semble impératif de réhabiliter la notion d’ambition : être ambitieux, c’est positif, ça veut dire avoir confiance en soi, croire en ses rêves, faire grandir son entreprise sans s’arrêter à la pression de la concurrence par exemple.

• 2e constat : la croissance de l’entreprise dépend avant tout… de son dirigeant !
Et il faut savoir que chacun a un rapport différent à la croissance et que ces représentations intimes, personnelles, impactent profondément notre posture du dirigeant.
C’est pour ça que le principal levier, et le principal frein à la croissance d’une entreprise, c’est en premier lieu son dirigeant (et même l’équipe dirigeante dans son ensemble).
Le potentiel et les limites d’une entreprise sont déterminés par le potentiel et les auto-limitations de son dirigeant !

• 3e constat : l’accélération du temps et de l’innovation, les tensions et la complexité de notre environnement montrent bien que pour grandir, l’entreprise doit de plus en plus se mettre en capacité de se réinventer, se transformer.
Et à mon sens, il n’existe pas une méthode magique pour cela. La transformation « pour la transformation » n’a aucun sens.
Il ne s’agit donc pas de construire l’entreprise du futur en la révolutionnant brutalement, mais d’avancer petit à petit, dans le respect de l’existant, le respect des femmes et des hommes qui en sont le cœur.

Chaque entreprise est unique : sa culture, son ADN, sa mission, sa vision sont uniques et spécifiques.
En revanche, il y a des recettes, des bonnes pratiques, et aussi des expérimentations novatrices, qui sont intéressantes à observer et éventuellement à tester dans son entreprise.

• 4e constat, plus personnel : trop de dirigeants, de la start up à la grande entreprise, ont le nez dans le guidon !
Ils donnent beaucoup d’eux-mêmes, à tel point qu’ils oublient parfois de prendre soin d’eux et de lever la tête, ce qui clairement est un frein majeur à la réussite. A mon sens, l’écologie personnelle des dirigeants est aussi un levier important de croissance durable de l’entreprise.

Un dirigeant chef d’orchestre…

 

Ce Guide s’appui aussi sur des convictions personnelles :
La première, c’est que l’entreprise ne peut plus désormais se contenter de performance économique. Elle porte aussi une responsabilité sociale, sociétale et peut être/doit être porteuse de bien commun et de progrès.

Ce que certains appellent le « Positive Business », sera un levier majeur de croissance de l’entreprise, car il entraînera l’adhésion des collaborateurs et des clients, il portera non seulement la réussite économique mais aussi le sens.

Deuxième conviction : Les dirigeants ont une responsabilité à « se » développer, pour développer leur entreprise.

Vous trouverez dans mon Guide des recommandations pour mieux vous préserver, pour prendre soin de votre corps et de votre esprit, pour renforcer votre solidité personnelle, pour choisir de mener un chemin personnel de développement qui vous permettra, par exemple, de gérer vos émotions pour les mettre au service de votre pensée, de maîtriser votre ego pour en faire un atout majeur, et de développer un leadership authentique, résonnant, aligné avec vos valeurs personnelles…

Savoir aussi vous entourer, car l’isolement est un sujet majeur, même si souvent tabou, chez les dirigeants : se nourrir d’interactions et d’échanges, que ce soit au sein d’un codir (comité de direction), en sortant à la rencontre des pairs dans les réseaux de dirigeants, en faisant appel à des conseils ou à un coach de dirigeants par exemple…
Le sujet de la collégialité dans l’entreprise, et notamment de la gouvernance, est aussi un levier majeur de croissance de l’entreprise!
Il s’agit bien ici d’accepter de ne plus être le seul maître à bord, et de se libérer progressivement de son rôle d’homme ou femme orchestre, pour devenir chef d’orchestre. C’est ça, un dirigeant de croissance.

Troisième  conviction : l’entreprise a nécessité à mettre en question son organisation, pour passer de la verticalité (la verticalité hiérarchique, du pouvoir, qu’on connait tous) à plus d’horizontalité (l’horizontalité du sens), pour développer transversalité, co-responsabilité, coopération et intelligence collective, subsidiarité de l’organisation et confiance.
Oser mettre en question l’organisation traditionnelle, ce n’est pas forcément adhérer aux principes de l’entreprise libérée, ce peut être travailler à passer du top-down à plus de bottom-up, ce peut être de redonner une place aux managers intermédiaires, ce peut être de favoriser dans l’entreprise l’intrapreneuriat et l’effectuation pour devenir plus agile…

… et aussi un dirigeant porteur de sens

 

Quatrième conviction, donner le cap, le sens, la vision créer la confiance passe par un travail collectif pour faire émerger et vivre les valeurs et la raison d’être de l’entreprise par ses forces vives.

Se projeter dans l’avenir et porter l’entreprise vers la croissance exige de la part des dirigeants une forte capacité à définir une vision claire et à la partager.

Donner du sens à l’entreprise, c’est être en capacité de tirer profit de son ADN et de sa culture interne : c’est savoir dire qui vous êtes, quelle est votre mission et quelles sont vos valeurs. C’est ce qui fait que chaque entreprise est unique.
Et, plus important encore, construire et porter une vision claire pour votre entreprise, c’est offrir un rêve et une inspiration collective qui permettra d’aller plus loin.
De la vision découlera enfin la stratégie de l’entreprise et sa capacité à passer de l’intention à l’action.
Articuler mission, valeurs, culture, vision et stratégie crée ainsi un cercle vertueux essentiel, car porteur de croissance et d’engagements.

Enfin, dernière conviction portée dans le guide : l’innovation est vitale, et les enjeux externes de la transformation sont doubles : développer des services et produits en appui sur les progrès technologiques toujours plus rapides et répondre aux exigences croissantes des clients en matière d’expérience-client et d’impact environnemental et sociétal.

Comment créer des expériences-clients et faire de ses clients de véritables partenaires, en imaginant leurs besoins futurs, en faisant de l’innovation une démarche ouverte, alignée avec la stratégie et la culture de l’entreprise, et en faire l’affaire de tous dans l’entreprise.

Se mettre en mouvement n’est pas négociable, et, même si développer son entreprise n’est pas une fin en soi, la croissance donne les moyens d’innover et devient même de plus en plus une condition de survie sur les marchés les plus concurrentiels.

J’aimerais conclure, comme je le fais dans mon livre, avec une citation de Jean-Dominique Sénard, qui décrit l’entreprise de demain : « C’est une entreprise de sens, une entreprise responsabilisante, qui fait confiance, qui permet à ses collaborateurs de s’épanouir… Ce ne sont pas seulement des mots pour se faire plaisir […], mais les plus beaux vecteurs de la croissance des entreprises dans l’avenir. »

Frédérique Jeske*

Editions Diateino 2019

  • « Le Guide du Dirigeant Responsable – Réinventez votre entreprise pour la faire grandir », publié aux éditions Diateino  – 384 pages – Ouvrage préfacé par Jean Staune, philosophe des sciences et prospectiviste, et postfacé par Pierre Minodier, le président du CJD.

 

* Directrice générale de Réseau Entreprendre depuis 2014, Frédérique Jeske, a une grande expérience du monde de l’entreprise privée et de l’écosystème entrepreneurial.

Historienne de formation, titulaire d’une maîtrise en Sciences politiques et d’un DESS en Communication Politique et Sociale (Université de Paris I Panthéon Sorbonne), elle a débuté sa carrière comme consultante au sein du cabinet d’études et de communication politique, Infométrie, fondé par le professeur Jean-Marie Cotteret. Frédérique Jeske a exercé, pendant 18 ans, des fonctions de direction au sein de groupes de presse et d’édition professionnelles (Francis Lefebvre, Groupe Moniteur, Groupe Weka Business Information, Elsevier Masson (branche santé/scientifique du groupe Reed-Elsevier). De 2004 à 2012, elle a notamment dirigé la division Communication Santé Elsevier Masson (conseil en stratégie dédié à l’industrie de la santé) et a conduit la mutation des médias traditionnels vers le numérique.
Engagée de longue date dans la défense des intérêts et des valeurs des entreprises (vice-présidente de la Fédération nationale de l’Information médicale,  administrateur du SPEPS, membre du mouvement APM, animation de séminaires et conférences sur l’entrepreneuriat et le business développement…), Frédérique Jeske a dirigé de 2012 à 2014 le groupe UPE13, représentant du Medef sur le territoire des Bouches du Rhône.
Depuis 2014, elle est la directrice générale de la Fédération internationale de Réseau Entreprendre, une association d’accompagnement d’entrepreneurs par des chefs d’entreprises, créée en 1986 dans le Nord par André Mulliez.

>>>Frédérique Jeske anime aussi un blog :  Ambitieuse pour l’entreprise