ÉTAT D’URGENCE ÉCONOMIQUE (II)
Les aides aux PME à l’épreuve du terrain

Tandis que le gouvernement peaufine sa panoplie de mesures de soutien aux PME, TPE et indépendants, les réseaux d’entrepreneurs se mobilisent.

 

Dans la foulée de l’annonce du plan « massif » de soutien aux entreprises, les organisations professionnelles se mobilisent sur le terrain pour accompagner les entrepreneurs affectés par le fort ralentissement de l’activité économique et la perte consécutive de leurs revenus, afin de leur faciliter l’accès aux différents dispositifs d’aide. Actions de solidarité et initiatives se multiplient (voir infra).

De son côté, le ministre de l’Économie et des finances , Bruno Le Maire assure que la priorité de l’action publique est de « sauver le plus grand nombre d’entreprises ».

crédit photo : Gerd Altmann – Pixabay

Accès au Fonds de solidarité

Le gouvernement assouplit les conditions d’accès à ce Fonds de solidarité financé par l’Etat, les régions et les assureurs (1). Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a annoncé le 31 mars un abaissement du pourcentage de perte de chiffre d’affaires (CA) pris en compte pour bénéficier du fonds de solidarité : il passe de 70 à 50 %  du CA pour le mois de mars et le mois d’avril.  Cet assouplissement était demandé par plusieurs organisations d’entrepreneurs.

« Répondre au désarroi de centaines de milliers de petits entrepreneurs »

 

Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances (crédit photo : consulendo.com)

 

« Nous voulons soutenir dès le premier jour les petits entrepreneurs, les indépendants, les commerçants, mais aussi les professions libérales qui sont les plus durement touchées par cette crise, qui prennent ce choc économique de plein fouet », a souligné Bruno Le Maire.  Cette « crise économique, c’est un choc sur l’économie réelle. C’est la grande différence par rapport à la crise de 2008. Elle touche des centaines de milliers de petits entrepreneurs. C’est à eux que nous avons voulu apporter notre premier soutien avec ce fonds de solidarité. Nous voulons qu’il soit massif, nous voulons qu’il soit immédiat et nous voulons qu’il permette de soutenir les petits entrepreneurs qui sont aujourd’hui confrontés à un vrai désarroi et à des difficultés financières importantes. »

« Un nouveau décret sera publié d’ici à la fin de la semaine rendant ces dispositions applicables à compter du vendredi 3 avril 2020 au matin », a précisé le ministre.

(1)Les compagnies adhérentes de la Fédération française de l’assurance se sont engagées à contribuer à hauteur de 200 millions d’euros au Fonds de solidarité, lequel devrait mobiliser avec la contribution de l’État et des Régions 2 milliards d’euros sur deux mois.

Qui peut bénéficier de cette aide?

Le Fonds de solidarité peut allouer une aide jusqu’à 1 500 €, à tous les TPE, indépendants, micro-entrepreneurs et professions libérales qui emploient moins de 11 salariés, qui réalisent moins d’1 million d’euros de chiffre d’affaires avec un bénéfice annuel imposable inférieur à 60 000 euros et qui :

• subissent une interdiction d’accueil du public selon l’article 8 du décret du 23 mars 2020 même s’il y a une activité résiduelle telle que la vente à emporter, la livraison et les retraits de commandes, « room service » ;
• ou qui connaissent une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % au mois de mars 2020 par rapport au mois de mars 2019.

« Cette perte de 50 % du chiffre d’affaires restera la référence pour le mois d’avril. »

  • Soutien complémentaire de 2000 euros:   » Pour les situations les plus difficiles, précise Bercy (telles que l’impossibilité de régler les créances exigibles à 30 jours et le refus de prêt de trésorerie), un soutien complémentaire de 2 000 € pourra être octroyé aux entreprises qui ont au moins un salarié pour éviter la faillite au cas par cas. « 
  • Téléchargez la fiche pratique sur le Fonds de solidarité 

>>>Plus d’infos sur le site du ministère de l’Économie

Didier Moinereau, président de la CPME 91 se réjouit de cet abaissement du seuil de perte de CA qui était une attente « logique » des entrepreneurs. Cependant, ajoute-t-il, « cette aide de 1500€ ne va pas solutionner les problèmes de la majorité des entreprises mais seulement des plus petites et je pense notamment aux micro-entrepreneurs ou aux professions libérales qui vont avoir besoin de beaucoup de solidarité. (…) Ces entreprises sont aujourd’hui dans une situation complexe, les charges courent, les aides ne sont que des reports d’échéances ou des prêts, le peu de personnel qui travaillent nous impose des mesures sanitaires drastiques et c’est normal, le maintien de salaire selon les conventions collectives, l’annulation des commandes, la défection des clients en difficulté (…) Le gouvernement va devoir être responsable de ses annonces et veiller à remplir toutes les cases, le fait est que pour l’instant c’est plutôt le cas. »

La Fédération nationale des auto-entrepreneurs (FNAE) apprécie que cette mesure prenne « en compte les situations particulières des auto-entreprises qui n’ont pas un an d’ancienneté pour se baser sur leur chiffre d’affaires moyen, et les personnes qui étaient en arrêt maladie, de travail ou maternité en mars 2019. »

Mois de référence. Le calcul de la baisse de chiffre d’affaires (CA) sur le mois de mars 2020 pose problème à certains entrepreneurs, indépendants et professions libérales, notamment tous ceux qui travaillent en BtoB : ils font valoir un décalage de temps entre l’activité effectuée et l’encaissement, lequel impacte mécaniquement le CA, ainsi la baisse d’activité de mars ne sera « perceptible » que sur le CA comptabilisé en avril ou en mai…

« Indemnité perte de gains »

A l’initiative de la confédération nationale des PME, CPME , les artisans et commerçants devraient pouvoir bénéficier aussi d’une « indemnité de perte de gains » versée par le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI) présidé par la CPME. Cette somme, qui « ne pourrait excéder le montant des cotisations à la retraite complémentaire des indépendants (RCI), modulable en fonction du niveau de cotisations de chacun, et  dans la limite maximale de 2500 €, devrait, en principe, être uniquement conditionnée au fait d’être en activité au 15 mars 2020 et immatriculé avant le 1er janvier 2019, précise dans un communiqué la CPME, qui ajoute qu’un « mécanisme similaire est à l’étude pour les professions libérales. »

Cette aide exceptionnelle devrait pouvoir se cumuler avec les aides du  Fonds de solidarité.

 

Crédits de trésorerie avec garantie de l’État : 21 000 demandes dès les premiers jours!

Le gouvernement a aussi mis en place avec la banque publique Bpifrance une garantie de l’État à hauteur de 300 milliards d’euros, afin de permettre aux entreprises d’obtenir auprès de leurs banques habituelles des crédits de trésorerie, pouvant couvrir jusqu’à 25% du chiffre d’affaires annuel, pour faire face aux besoins les plus urgents.

Bruno Le Maire s’est félicité du « succès considérable » de ce dispositif : « Nous avons enregistré 3,8 milliards d’euros de demandes en quelques jours, c’est dire à quel point ce prêt garanti par l’Etat remporte un vrai succès et correspond à l’attente des entrepreneurs qui est de disposer de trésorerie le plus rapidement possible. 21 000 entreprises ont déjà vu leur demande acceptée pour un montant moyen de 135 000 euros.  Pourquoi 135 000 euros? Si vous vous faites le calcul, vous allez arriver à un peu plus de 180 000 euros demandés en moyenne : c’est tout simplement qu’entre ce qui est demandé et ce qui est accepté, il peut y avoir un petit écart… C’est ce qui nous amène à un montant moyen de 135 000 euros (effectivement accordé – NDLR) pour ces prêts garantis par l’Etat. »

Au delà des statistiques, il y a les situations individuelles, où chaque entrepreneur est renvoyé à la relation, bonne ou tendue, qu’il entretient avec son banquier. Interrogé par le Figaro Économie, le président des Chambres de commerce, Pierre Goguet, signale le cas « des agences bancaires qui réclament à certains un prévisionnel de trésorerie, qu’ils sont évidemment dans l’impossibilité de fournir compte tenu de la situation… »

La Banque de France rappelle que les entreprises qui rencontrent des difficultés avec leur banque peuvent saisir la Médiation du crédit, « un dispositif au plus près des entreprises qui apporte un service gratuit et agit en totale confidentialité dans les 100 départements de France métropolitaine et d’outre-mer, via des médiateurs départementaux« .

Les réseaux d’entrepreneurs se mobilisent

© Photo Pixabay

Au plus près du terrain, les organisations professionnelles et consulaires se révèlent un relais très utile pour écouter, conseiller, orienter des entrepreneurs désemparés, qui se heurtent aux complexités réglementaires et administratives, et aux injonctions contradictoires : « Restez chez vous! Continuez à faire tourner l’économie! »

CMA France, la Chambre de métiers et de l’artisanat  assure de la mobilisation de son réseau « pour informer les artisans soumis à de fortes contraintes économiques et les accompagner dans leurs démarches. Interpellé quotidiennement par les artisans, CMA France maintient sa demande auprès des banques pour des prises de positions plus claires et uniformes, et auprès des assurances pour des indemnisations de perte d’exploitation.« 

Pour CMA France, il s’agit de préserver « la continuité de l’activité, la rémunération des fournisseurs, des collaborateurs et éviter la faillite provoquée par des fragilités de trésorerie. » Or, regrette l’organisation, sur le terrain, « les réponses qui sont apportées ne sont à ce jour pas à la hauteur de la situation que nous traversons. »

Les réseaux entrepreneuriaux et consulaires se mobilisent pour faire connaître les différents dispositifs publics de soutien et aider les chefs d’entreprise dans leurs démarches dans les arcanes de l’administration.

Car, entre les annonces faites au sommet de l’État et leur concrétisation sur le terrain, il y a toujours des difficultés, des lenteurs administratives, des bugs… Notamment pour les demandes d’activité partielle auprès de l’administration du travail.

crédit photo : Pixabay

Face au désarroi de nombreuses TPE,  » plusieurs CCI ont décidé de mettre en place des campagnes d’appels afin de s’assurer que toutes les entreprises ont bien connaissance des dispositifs d’aides mis en place par l’État et les Régions », atteste  Pierre Goguet, président CCIFrance, le réseau des Chambres de commerce et d’industrie.

Pour sa part, la CCI de Paris-Île-de France met en place de manière simple et gratuite un dispositif baptisé « Mes commerces à domicile », outil de référencement et de communication sur les commerçants capables de livrer et d’assurer la vente à emporter dans chaque commune.

Cela permet à la fois de recenser les commerçants en capacité de vendre « à emporter » et/ou souhaitant livrer à domicile et d’afficher sur le site des villes la liste des commerçants via un annuaire pré-formaté. Des actions de communication vont être menées conjointement par la CCI et les villes, afin « de promouvoir le commerce local qui, malgré le confinement, continue à répondre aux demandes des clients, mais aussi de mettre en avant l’action de la commune vis à vis de ses administrés. Cet outil permet aussi d’offrir des solutions aux commerçants non sédentaires, fortement impactés par la fermeture des marchés de ville. »

  • D’autres exemples concrets : La CCI Nice Côte d’Azur répertorie pour sa part les entreprises azuréennes qui développent des initiatives solidaires pour les relayer auprès de sa communauté. En Bretagne, la CCI des Côtes d’Armor propose quotidiennement « le café du web », une formation gratuite de webmarketing, en direct sur Facebook, et destinée aux entrepreneurs « confinés » chez eux. Dans le Maine-et-Loire, la CCI est à l’initiative d’un dispositif de prêt de main d’œuvre original. Elle a notamment relayé auprès de ses ressortissants la demande d’un fabricant de masques à la recherche de personnes supplémentaires pour faire face à une forte hausse de la production: tous les postes ont été pourvus!
  • La plateforme numérique CCI Store propose 400 e-services pour le quotidien des entrepreneurs dont beaucoup sont gratuits pendant cette période de confinement.

 

  • Avec le slogan « #RestezChezVous, #ConsommezChezEux« , CDCF, Conseil du commerce de France, et Petitscommerces.fr proposent la plateforme soutien-commercants-artisans.fr aux détaillants trop souvent éloignés du numérique et privés d’activité :  ils peuvent s’inscrire gratuitement sur cet outil de e-commerce,  afin d’inciter leur clients à acheter leurs produits ou services sous forme de bons d’achat en ligne, à utiliser physiquement après la crise sanitaire, un moyen d’obtenir un peu de trésorerie pendant la période de confinement…

 

  • La Fondation Garance qui oeuvre pour les entreprises de proximité, vient de créer un fonds d’urgence de 150 000 euros pour venir en aide aux TPE les plus touchées, dans l’artisanat et le commerce , aux professions libérales, et sous réserve qu’il s’agisse de l’activité principale aux micro-entrepreneurs.