Réseaux d’enseignes, franchise, commerce organisé … un modèle économique qui résiste aux crises

Les réseaux de commerçants et d’enseignes, organisés selon différentes formes dont la franchise, font preuve d’une bonne résistance aux crises. Ils doivent relever le défi de la transition numérique à marche forcée et faire aimer le magasin, face aux nouveaux opérateurs du « quick commerce » qui séduisent de plus en plus les consommateurs urbains…

 

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Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin! Cette maxime pourrait être la devise des entreprises qui opèrent en réseau. Notamment les réseaux d’enseignes, intégrés, en franchise ou en commerce associé.

Plusieurs enquêtes de l’Insee analysent la part prépondérante qu’occupent désormais les réseaux d’enseignes dans le commerce de détail, alimentaire ou non-alimentaire.

Pour se développer, les enseignes recourent habituellement à trois formes d’organisation :

  • Les réseaux intégrés : la tête de réseau possède les points de vente en propre, sous forme de succursales ou de filiales; ce sont des magasins ou des agences dirigés par des gérants salariés. Le siège social doit mobiliser beaucoup de capitaux pour financer son expansion territoriale. Et gérer en direct des effectifs importants.
  • Les réseaux coopératifs du commerce associé : ce sont des groupements de commerçants organisés en coopératives, autour d’une centrale d’achats. La Fédération du commerce coopératif et associé (FCA) dénombre une centaine de groupements totalisant plus de 50 000 points de vente dans une trentaine de secteurs d’activité et sous 185 enseignes. Selon les estimations de la FCA, le Commerce coopératif et associé représenterait 30 % du commerce de détail.
  • Les réseaux de franchise : la tête de réseau s’appuie sur des entrepreneurs indépendants qui bénéficient de la notoriété et du savoir-faire du franchiseur et contribuent, en engageant leurs ressources propres et leurs compétences, à l’expansion de l’enseigne sur le marché national et international.

Définitions : commerce intégré et commerce indépendant organisé

Dans le commerce intégré, le point de vente appartient en propre à la « tête de réseau » ou à l’une de ses filiales. Il peut être indépendant juridiquement mais pas financièrement. La tête de réseau contrôle alors intégralement son circuit de distribution jusqu’au client final.
Dans le commerce indépendant organisé, les points de vente sont indépendants juridiquement et financièrement de la tête de réseau. Celle-ci peut développer rapidement son enseigne en limitant les coûts de structure, mutualiser des frais logistiques, informatiques, juridiques, augmenter sa force d’achat et faire des économies d’échelle. Les créateurs d’entreprise sont rémunérés via la pérennisation et la valorisation de leur fonds de commerce.
Il existe différentes formes de commerce indépendant organisé : la franchise, la concession, le partenariat, la commission-affiliation et la licence de marque, qui permettent au franchisé ou à l’affilié d’exploiter une notoriété, un concept et des méthodes éprouvées.
Dans le cadre d’un contrat de franchise, le franchisé exploite la marque et le savoir-faire du franchiseur, conformément au concept de l’enseigne, et verse en contrepartie un droit d’entrée et des redevances sur son chiffre d’affaires. Le franchiseur (ici, la tête de réseau) transfère son savoir-faire et assiste le franchisé.
Le contrat de commission-affiliation est similaire à la franchise, sauf que le commerçant n’est pas propriétaire de son stock de marchandises : il est rémunéré à la commission sur son chiffre d’affaires et n’a pas à se soucier des invendus. La concession garantit l’exclusivité territoriale et une politique commerciale libre au concessionnaire. Avec une licence de marque, le commerçant exploite l’enseigne de la tête de réseau avec une grande autonomie contre le paiement de redevances. Dans le contrat de location-gérance, la tête de réseau est propriétaire du fonds de commerce et le loue au commerçant indépendant.
Dans le commerce associé, chaque point de vente adhère à un groupement, qui est le plus souvent une coopérative (mais aussi un groupement d’intérêt économique – GIE –, une société civile, etc.). Le commerçant est un partenaire ou un associé, propriétaire de son point de vente et d’une part du capital du réseau : décisionnaire dans le fonctionnement et la stratégie de développement du réseau, il dispose d’une voix lors de l’élection du conseil d’administration. L’adhésion au réseau permet de mutualiser les moyens et de développer des politiques communes, à des fins d’économies et d’optimisation logistique : achat (création d’une centrale d’achats), enseigne, opérations commerciales, services.
Un réseau d’enseigne peut être entièrement intégré ou entièrement organisé par des contrats entre des unités financièrement indépendantes et la tête de réseau. Mais il peut aussi combiner et cumuler plusieurs formes, par exemple en se développant d’abord par des filiales et des succursales puis, une fois le concept jugé rentable, en s’ouvrant à des commerçants indépendants. (Source: INSEE)

 

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« S’appuyer sur la motivation des franchisés »

Développer une enseigne « en propre » exige des capitaux très importants que peu de groupes peuvent mobiliser. C’est pourquoi la franchise s’est imposée avec succès au cours des dernières décennies, comme un levier de développement alternatif ou complémentaire du succursalisme : faire appel à l’investissement financier d’entrepreneurs indépendants qui risquent leur propre argent dans l’affaire et sont parties prenantes du succès du réseau. S’appuyer sur leur motivation, leur implication et leurs compétences permet d’aller plus vite dans le maillage du territoire et donc accélérer le rayonnement de la marque ou de l’enseigne.

Une entité gérée par un entrepreneur indépendant, comme l’est un franchisé, est généralement plus performante qu’une succursale gérée par un manager salarié. « Le franchisé risque son propre argent, tandis qu’un gérant salarié ‘travaille’ avec l’argent de son parton … dès lors, le premier sera beaucoup plus attentif à la rentabilité de son point de vente », confirme le consultant Jean Beaudoin.

Une bonne résistance aux crises

Implanté en France depuis une bonne cinquantaine d’années, le modèle économique et commercial de la franchise se caractérise par un fort développement du nombre de réseaux, près de 2 000 actuellement, et par une importante diversification des secteurs d’activité et des métiers, près d’une centaine recensés, qui se répartissent désormais pour moitié-moitié, entre enseignes de commerces et enseignes de services (aux particuliers ou aux entreprises).

Dans un environnement chaotique, marqué par plus de deux années de crises successives (mouvement des Gilets Jaunes; grèves contre la réforme des retraites; pandémie de Covid-19), les réseaux de franchise ont tenu le choc et continuent à progresser, même si certains secteurs sont encore à la peine : habillement, hôtellerie, restauration classique, voyages-tourisme…

Tous les ans, la Fédération française de la franchise (FFF) dresse un bilan chiffré de la situation des réseaux. Sa dernière étude qui porte sur l’année 2021 confirme la bonne capacité de « résilience » des réseaux, avec une forte progression du chiffre d’affaires global, y compris en comparaison avec l’année 2019 : +7,7% par rapport à 2020 et +1.2% par rapport à 2019, (après un recul inédit de 5 points du CA global en 2020!)

Le nombre de points de vente franchisés augmente lui aussi, mais plus faiblement avec 79 134 unités comptabilisées par la FFF en  2021, soit une augmentation de quelque 900 franchisés par rapport à 2019.

Le nombre total de franchiseurs, reste quant à lui inférieur à la barre symbolique des 2000 réseaux, qui avait été franchie en 2018. Avec une exception dans le secteur alimentaire qui affiche une hausse de plus de 10 enseignes par rapport à l’an passé.

 

1 965 réseaux de franchise (+2% p/r 2020)

79 134 points de vente franchisés (+1,4% p/r 2020)

68,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires global (+7,7% p/r 2020; +1,2% / 2019)

795 441 emplois directs et indirects (+ 15,4% p/r 2020)

Top 5 des secteurs en nombre d’enseignes

  • 1. Équipement de la personne avec 360 enseignes (-0,3% vs 2020 et -5% vs 2019)
  • 2. Commerce alimentaire avec 219 enseignes (+4,8% vs 2020 et +9% vs 2019)
  • 3. Restauration rapide avec 210 enseignes (+1% vs 2020 et -8% vs 2019)
  • 4. Commerces divers avec 206 enseignes (+3,5% vs 2020 et -2% vs 2019)
  • 5. Services aux personnes avec 202 enseignes (+2,5% vs 2020 et -8% vs 2019)

Top 5 des secteurs en nombre de points de vente

  • 1. Commerce alimentaire avec 15 162 points de vente (-1,9% vs 2020 et -2,1% vs 2019)
  • 2. Équipement de la personne avec 9 197 points de vente (2,8% vs 2020 et -5,7% vs 2019)
  • 3. Services auto avec 8 607 points de vente (-8,6% vs 2020 et -5,5% vs 2019)
  • 4. Commerces divers avec 7 939 points de vente (+2,7% vs 2020 et +2,5% vs 2019)
  • 5. Restauration rapide avec 6 916 points de vente (+3,9% vs 2020 et +8,4% vs 2019)

 

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Ayant bien résisté aux successions de crises, le commerce alimentaire et l’équipement de la maison font figure de  « valeurs refuge ». En 2020, le commerce alimentaire a notamment bénéficié de la fermeture administrative des restaurants pendant les périodes de confinement.  Cependant la restauration rapide a bien rebondi : son « parc » de franchises a cru de près de 4% en 2021 et son chiffre d’affaires de près de 18%, sans pour autant retrouver son niveau de 2019.

 

Véronique Discours-Buhot, déléguée générale de la FFF

Véronique Discours-Buhot, la déléguée générale de la Fédération française de la franchise (FFF), se réjouit de ces chiffres, confirmant la « pertinence et le dynamisme  » du modèle économique et managérial : « La franchise prouve chaque jour qu’elle est un vrai moteur économique, social et sociétal. Elle demeure agile et attractive avec un nombre de points de vente franchisés, comme un chiffre d’affaires global en augmentation constante. Ces indicateurs démontrent indéniablement sa force et ses atouts que nous continuerons de défendre : l’accompagnement, l’autonomie associée à la maîtrise des risques, ainsi que la professionnalisation des réseaux. » 

Le commerce indépendant sous enseigne n’en est pas moins confronté à la concurrence directe du e-commerce qui a explosé ces deux dernières années, à la faveur des restrictions sanitaires limitant drastiquement les déplacements.

Face à la concurrence directe des pure-players de la vente en ligne, mais aussi des « dark stores » et des « dark kitchens » (opérateurs sans locaux commerciaux) qui n’ont pas les mêmes charges d’exploitation que les enseignes « traditionnelles », les réseaux ont accéléré leur digitalisation.

« Rappelons-nous comment la fermeture des magasins pendant les confinements a fait ressortir leur caractère indispensable pour la vie de chaque Français. L’enjeu est sociétal, et pas seulement économique », plaide Emmanuel Le Roch, délégué général de la Fédération du commerce spécialisé sous enseigne, Procos, qui s’alarme de la concurrence déloyale faite par les nouveaux opérateurs « sans magasins »…

Enjeux et défis du « quick commerce » selon Procos

« Certain l’appelle l’économie de la flemme, Leur technique est bien rodée. Il s’agit, pour ne pas perdre une seconde, d’installer des dark stores, des mini-entrepôts, en plein cœur des villes, où les commandes sont assemblées et d’où partent les livraisons. Plus le maillage de ces dark stores est important, plus les délais de livraison peuvent être rapides… Comment des commerces peuvent-ils résister à des modèles économiques non rentables se développant à une telle vitesse pour prendre des parts de marché et être à proximité d’un maximum de consommateurs pour les livrer en 10 minutes ?                   Quel est le besoin réel d’une telle urgence d’accéder à un produit ? Les ultra-

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urbains plutôt jeunes semblent être la cible idéale, une partie des consommateurs paradoxaux qui veulent à la fois ralentir (rapport au travail, …) et accélérer. Boosté par la pandémie, ce marché a connu une croissance de 47 % en seulement deux ans. La pizza et les burgers représentent les deux repas les plus commandés. Une livraison facturée 2 euros. Comment le modèle peut-il être rentable ? Est-il cohérent de laisser librement se développer ces modèles dont le raisonnement ne s’appuie pas sur la rentabilité d’exploitation, et de détruire une partie de l’existant (restaurateurs, commerçants …) avec ses conséquences sur l’animation de la vie dans la rue et les quartiers ? Si on se place à l’échelle macroéconomique, cela reste aujourd’hui un marché niche. Les dark stores ne s’adressent qu’aux cœurs de villes des grandes métropoles car ils ont besoin d’avoir un vivier de 150.000 à 200.000 clients potentiels à servir dans un rayon d’un quart d’heure. Ils ne prendront pas la place des hypermarchés ou des supermarchés. A une échelle plus fine, celle des cœurs de ville, il y a des impacts visibles et des risques sur l’occupation des « rez-de-ville » (les pieds d’immeuble) et sur les flux de déplacements additionnels générés par les livraisons et l’approvisionnement de ces magasins sans client (…)  alors que les villes cherchent depuis plusieurs années à maintenir ou à redynamiser leurs rues commerçantes… »

Face à la déferlante du e-commerce… il faut retrouver « l’achat-plaisir » en magasin

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Pour Véronique Discours-Buhot, « on ne peut pas aller à l’encontre de ce que le consommateur souhaite aujourd’hui! » C‘est pourquoi les réseaux se sont convertis à l’omnicanalité: une combinaison intelligente entre le magasin physique et les offres en ligne. La multiplication des offres sur les livraisons à domicile, des opérateurs sur ce créneau, notamment dans les grandes métropoles – sans véritable transparence sur le vrai coût de la distribution des commandes « au dernier kilomètre » – encouragent la tendance à assimiler les courses en magasins à une corvée…

« Les commerçants doivent toujours inventer de nouvelles offres, estime la déléguée de la FFF, libérer les consommateurs des achats contraignants, et les inciter à venir en magasin pour de l’achat-plaisir, pour y trouver de la convivialité, du service, des découvertes, du conseil… »

Les enseignes raisonnent de plus en plus en « phygital », pour marier les avantages du magasin, lieu de rencontre et d’échange, et toute la palette des services en ligne.

« Le commerce sera de plus en plus phygital »                                  crédit photo : Mohamed Hassan – Pixabay

La complémentarité Internet/magasin se trouve d’ailleurs renforcée par l’usage croissant des écrans mobiles à l’intérieur du point de vente. Le magasin devient aussi point de retrait des achats en ligne, au commerçant à donner ensuite l’envie au client de s’attarder sur place, de découvrir des produits, des offres, une expérience sensorielle et conviviale. Cela implique de repenser le rôle et l’attitude des vendeurs, de mieux les former pour répondre à un consommateur plus informé, plus exigeant et aussi plus versatile… « Les magasins resteront le lieu irremplaçable du contact concret entre le client et le produit », argue Véronique Discours-Buhot.

La 18ème édition de l’enquête annuelle de la franchise Banque Populaire/FFF* confirme l’accélération de la « digitalisation » des réseaux, puisque 96% des franchisés interrogés disent disposer d’au moins un dispositif de Web-to-Store( géolocalisation, click and collect, etc.). Et 92% d’entre eux reconnaissent que leur franchiseur a fait évoluer les outils numériques utilisés dans le réseau.

« Les acteurs de la franchise ont su s’adapter en développant le digital comme levier de croissance pour leur activité et s’engagent d’ores et déjà pour l’avenir en proposant des offres écoresponsables », se félicite Bertrand Magnin, directeur du développement de Banque Populaire .

Et selon Procos, ce sont les enseignes qui portent le développement des ventes via Internet : « Davantage que les pure-players (à l’exception d’Amazon bien entendu), ce sont les enseignes issues du commerce physique qui ont été les acteurs du développement des ventes en ligne depuis le début de la Covid-19. « 

Cependant, tempère Procos, dans son bilan annuel 2021, la croissance des ventes Web n’apporte qu’une compensation partielle aux commerçants « classiques »: « Compte tenu du poids des ventes Web dans le modèle économique des acteurs (entre 5 et 30 % selon des enseignes), même si elle reste importante, la croissance des ventes en ligne ne permet de compenser qu’une faible part du chiffre d’affaires perdu en magasin (en particulier lors des périodes de fermeture des points de vente) : soit (un gain net) entre et 4 % et 6 % en moyenne! »

 

* 18e édition de l’Enquête annuelle de la franchise Banque Populaire/FFF: enquête réalisée avec l’institut Kantar par téléphone (CATI), du 20 septembre au 4 octobre 2021, auprès d’un échantillon représentatif de 400 franchisés constitué d’après la méthode des quotas (secteur d’activité, région, date de création de l’entreprise). Pour la partie de l’enquête concernant les franchiseurs, elle a été réalisée via Internet (CAWI), du 12 octobre au 18 novembre 2021, auprès d’un échantillon représentatif de 126 franchiseurs disposant de 1 à plus de 150 points de vente. Un redressement a été appliqué sur le secteur d’activité (commerce, service), la région et le nombre de salariés, en phase avec les objectifs 2019.

 

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