Malgré une conjoncture particulièrement chahutée, les réseaux de franchise affichent de bonnes performances et poursuivent leur expansion territoriale. Le commerce organisé sous enseigne regroupe des dizaines de milliers d’entrepreneurs indépendants qui contribuent au dynamisme de l’économie locale et nationale. Ses représentants appellent de leurs vœux une politique publique volontariste, pour permettre aux commerçants de mieux répondre aux défis numériques, environnementaux et sociétaux.
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Les commerçants de proximité subissent depuis 2018 une série de chocs qui pénalisent l’exercice de leur activité et menacent leur pérennité.
Rappelons les nombreuses manifestations des Gilets Jaunes, avec leurs dérives violentes en centres-villes, puis les grèves de 2019, la crise sanitaire et ses confinements en 2020 et 2021, et, depuis février 2022, les conséquences de la guerre en Ukraine, avec un retour de l’inflation, la flambée des prix de l’énergie et des matières premières, les inquiétudes sur le pouvoir d’achat, les mouvements sociaux et grèves autour de la réforme des retraites…
A ces chocs exogènes, s’ajoutent des lames de fond :
- les évolutions sociétales et technologiques qui façonnent les modes de consommation,
- les nouvelles attitudes des consommateurs,
- la déferlante du e-commerce et de l’économie dite de « plateformes » (dark-stores, livraisons low-cost…).
Les vicissitudes des enseignes Camaïeu, Kookaï, San Marina, André, Burton, Go-Sport…, réseaux de magasins dans le secteur de l’équipement de la personne, ne peuvent pas être généralisées à l’ensemble du commerce organisé.
D’autres secteurs s’en sortent bien et continuent de se développer(voir infra). Mais ces difficultés sont le symptôme d’une fragilisation du commerce de proximité par la succession des crises, la hausse des loyers commerciaux, des taxes foncières et des charges d’exploitation, par rapport aux plateformes de e-commerce qui ne supportent pas les mêmes charges.
D’autant que le commerce en magasins est, depuis plusieurs années, sommé d’opérer une triple mutation : digitale, environnementale et énergétique. Ce qui implique des investissements importants et donc une bonne santé financière…
La fédération Procos qui représente 300 enseignes de commerce en réseau s’inquiète de cette situation, par la voix de son délégué général Emmanuel Le Roch : « La situation est préoccupante car les conséquences vont au-delà de celles directes et déjà graves en elles-mêmes : destructions d’emplois, disparitions de magasins voire d’entreprises de taille importante…
« Les difficultés de trésorerie (coûts de l’énergie et écrasement des marges) ne peuvent être sous-estimées.
« Certes, le risque de défaillances ne concerne pas toutes les enseignes, mais la fragilisation contextuelle est une réalité à prendre en compte. Par ailleurs, les obligations de transformations et d’investissements massifs et rapides concernent toutes les enseignes.
« La France a la chance de posséder des enseignes leaders dans la majorité des secteurs du commerce de détail. N’attendons pas qu’elles soient fragilisées ! Car celles-ci sont des acteurs indispensables et majeurs pour la transformation réelle et concrète de la société française. Transformer la France et mettre en œuvre les transitions énergétiques, numériques, écologiques suppose des acteurs économiques en bonne santé qui disposent de moyens. »
Les réseaux de franchise étendent leur toile
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Les derniers chiffres publiés par la Fédération française de la franchise (FFF) dressent un bilan plutôt flatteur de l’année 2022, affichant les bonnes performances réalisés par les réseaux et confirmant leur capacité de « résilience » face aux cahots de la conjoncture.
Le chiffre d’affaires global réalisé par l’ensemble des magasins franchisés a atteint 76,6 milliards d’euros en 2022, en progression de 11,4% par rapport à 2021 et de 13% par rapport à 2019, (après avoir enregistré un recul historique de 5 points en 2020, première année de la pandémie).
Inférieur à 2000, le nombre total de réseaux reste cependant en dessous de son niveau le plus haut atteint en 2019 (2049), signe probable de recompositions et de regroupements.
Le nombre de points de vente franchisés approche quant à lui les 85 000 unités, en augmentation de 8% par rapport à 2019.
Ce qui confirme que les enseignes ont continué à recruter de nouveaux affiliés et à étendre leurs réseaux même au cours des deux années de pandémie.
Tous les secteurs d’activité ne sont pas logés à la même enseigne.
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Le secteur de l’équipement de la personne (vêtements et accessoires) est le plus durement éprouvé par les années de crise et par la concurrence directe des achats en ligne :
il perd 9% de réseaux par rapport à 2019 et compte près de 4% de moins de franchisés qu’avant les années Covid…
En revanche, le commerce alimentaire continue à étendre sa toile, notamment dans des formats de centre-ville, tant en nombre de nouveaux franchisés (+8,7%) que d’augmentation du chiffre d’affaires (+16,8%).
La restauration rapide reste encore dynamique, après avoir traversé les périodes de confinement, et séduit toujours un grand nombre de franchisés (+ 14,5% de progression par rapport à la période avant Covid).
Cependant on observe en 2022 un tassement du nombre total d’enseignes, signe que ce secteur doit approcher son point de saturation.
Dans les services aux personnes, les réseaux poursuivent toujours leur expansion : plus de 7 000 franchisés recensés, soit la sixième position derrière la restauration rapide.
Ces métiers de services et d’assistance semblent épargnés par la crise, et même stimulés par l’intérêt accru porté aux question de santé et de bien-être. Le principal frein à leur croissance est la difficulté à recruter des salariés qualifiés afin de pouvoir assurer leurs prestations de services…
LA FRANCHISE EN CHIFFRES
1 972 réseaux de franchise (+ 0,36% p/r 2021)
84 497 points de vente franchisés (+ 6,8% p/r 2021)
76,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires global
(68,8 MDS d’euros en 2021 )
828 178 emplois directs et indirects (+ 6,24% p/r 2019)
Top 5 des secteurs en nombre d’enseignes
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1. Équipement de la personne avec 346 enseignes (-9% vs 2019)
2. Commerces divers avec 221 enseignes (+7,3% vs 2021)
3. Commerce alimentaire avec 216 enseignes (-1,4% vs 2021)
4. Restauration rapide avec 208 enseignes (-9% vs 2019)
5. Services aux personnes avec 206 enseignes (+2% vs 2021)
Top 5 des secteurs en nombre de points de vente
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• 1. Commerce alimentaire avec 16 483 points de vente (+ 8,7% vs 2021)
• 2. Services automobile avec 9 623 points de vente (+11,8% vs 2021)
• 3. Équipement de la personne avec 9 374 points de vente (-3,9% vs 2019)
• 4. Commerces divers avec 8 491 points de vente (+7% vs 2021)
• 5. Restauration rapide avec 7 305 points de vente (+5,6% vs 2021 et +14,5% vs 2019)
source : Fédération française de la franchise et Diagnostics & Systems
Soutien des têtes de réseau et dynamique collaborative
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Qu’est-ce qui permet aux réseaux d’affronter les crises et de faire preuve de résilience?
Coopération accrue. L’enquête annuelle sur la Franchise Banque populaire/FFF/Kantar* donne des indications intéressantes sur la façon dont franchiseurs et franchisés ont renforcé leur coopération pour traverser ces turbulences.
Ainsi, afin d’entretenir un dialogue continu avec leurs affiliés, les enseignes ont mis l’accent sur l’animation du réseau, avec visites d’animateurs dans les points de vente, et multiplication de visioconférences.
80% des réseaux interrogés disent avoir aussi renforcé la formation des franchisés et de leurs salariés.
8 franchiseurs sur 10 déclarent avoir fait évoluer le concept (élargissement de la gamme et de l’offre, rénovation architecturale…) et 87% ont « mis en place des initiatives spécifiques pour renforcer la fréquentation des points de vente ».
Les enseignes ont développé aussi l’omnicanalité, la digitalisation du réseau et accompagné leurs franchisés afin qu’ils puisent mieux toucher leurs clients et prospects. Notamment par l’animation de leur présence sur les réseaux sociaux (76% des franchisés interrogés), la prise de RDV sur Internet, le click and collect…
A l’instar du réseau Cavavin qui a par exemple opté pour une personnalisation des newsletters de chaque franchisé plutôt qu’une simple reprise de la newsletter nationale ; le franchiseur a aussi mis en place un nouvel Intranet et favorisé le partage de bonnes pratiques au sein du réseau.
Et 84% des franchiseurs interrogés ont l’intention d’investir davantage encore dans les 12 prochains mois dans la digitalisation de leurs activités.
Innovation collaborative. Selon l’enquête annuelle Franchise, 78% des franchisés déclarent avoir bénéficié des échanges au sein de groupes de travail avec d’autres affiliés et le franchiseur et 64% ont suivi des formations proposées par l’enseigne.
Un tiers des franchiseurs interrogés (32%) a ainsi diffusé à l’intérieur du réseau une innovation élaborée en collaboration avec leurs franchisés.
Cette « intelligence collective » propre aux réseaux de commerce organisé est un atout, surtout dans les périodes de mutations et d’incertitudes comme les dernières années.
75% des franchisés se considèrent mieux armés que des commerçants isolés pour affronter la crise.
Et 90% d’entre eux se déclarent satisfait de l’accompagnement apporté par leur franchiseur.
Trois défis
Cependant, les têtes de réseaux s’estiment confrontées à trois principaux défis à relever :
- Faire face à la hausse des coûts d’exploitation,
- Trouver les bons candidats et les bons emplacements,
- Recruter et fidéliser des salariés.
Afin d’augmenter le vivier de candidats qualifiés à une franchise, 63% des franchiseurs se tournent vers leurs propres salariés pour identifier de futurs partenaires potentiels. D’autant qu’à côté de l’ouverture de nouveaux points de vente, la reprise de franchises existantes, du fait de la pyramide des âges, représente un gisement d’opportunités pour les années à venir.
Si les franchiseurs entendent investir dans la digitalisation et la diversification de l’offre, ils sont aussi déterminés à prendre des mesures pour économiser l’énergie au sein du réseau (82% des répondants), à réduire les émissions de CO2 (61%), à favoriser les approvisionnements locaux et les circuits courts (62%).
Véronique Discours-Buhot, déléguée générale de la Fédération française de la franchise, se réjouit du caractère innovant et proactif des réseaux dans « un monde de plus en plus complexe et incertain » : « Par sa souplesse et son agilité, la franchise se réinvente en permanence avec de nouvelles tendances et de nouveaux concepts qui font écho aux préoccupations sociales, sociétales, environnementales et économiques actuelles. Une force de résilience qui confirme que la franchise est un modèle d’avenir pour l’entrepreneuriat et un atout pour l’économie française, la dynamisation des territoires et de l’emploi. »
Les franchisés sont des acteurs de la vie locale et participent à l’animation économique de leur ville, de leur région.
Pour une politique ambitieuse en faveur du commerce!
Véronique Discours-Buhot plaide pour que « le commerce soit mis au centre des préoccupations des politiques ». Avec d’autres fédérations professionnelles, elle espère que le Conseil national du Commerce – dont la création a été annoncée par la ministre Olivia Grégoire – sera bientôt opérationnel et prendra en compte les recommandations des Assises du Commerce qui se sont tenues en décembre 2021. Ces Assises avaient pour objectif d’identifier les actions de transformation indispensables pour ce secteur économique majeur qui emploie 2 millions de personnes et génère 500 milliards de chiffre d’affaires.
Impatience qu’exprime aussi le délégué général de Procos, Emmanuel Le Roch, appelant de ses vœux « une politique publique volontariste » : « Le gouvernement doit à la fois se soucier rapidement des accompagnements à apporter aux enseignes et commerçants qui pourraient être provisoirement fragilisés et s’engager sur une réelle politique sectorielle qui n’a jamais existée mais n’existe toujours pas. (Il faut) accélérer la mobilisation d’une politique publique volontariste autour des conditions et financements des transformations impératives du commerce et des commerçants. L’installation du Conseil National du Commerce, attendue avec beaucoup d’impatience est urgente. »
* Enquête réalisée entre le 4 octobre et le 28 novembre 2022 auprès de 400 franchisés et de 132 franchiseurs.