2024
Croissance économique au ralenti, démocraties à l’épreuve

L’année 2024 dans le monde s’ouvre dans un contexte de conflits et d’instabilité.  Aux tensions géopolitiques s’ajoutent les défis du dérèglement climatique, de l’inflation, de la dette publique, de la transition énergétique, des migrations …  Autant de facteurs qui freinent la croissance économique. Autant d’incertitudes que doivent affronter les entreprises tout en s’adaptant aux évolutions sociétales et de consommation. 2024 est aussi une année électorale en Russie , en Inde, en Europe et aux Etat-Unis. En France, 2024, année olympique, a débuté avec la nomination du gouvernement de Gabriel Attal, confronté à de nombreux chantiers en souffrance, sans disposer de majorité politique, ni de marges de manoeuvre en raison des déficits publics…  Enjeux et perspectives.

 

crédit image : Pete Linforth – Pixabay

Le premier quart du nouveau siècle se caractérise par un enchaînement de crises que certains ont qualifié de situation de « polycrises » ou de « permacrises »...

Malgré cette conjoncture chahutée, malgré la montée des menaces sur plusieurs fronts – géopolitique, climat, énergie, inflation – la plupart des économies font preuve de résilience.

L’Europe a réussi a surmonter la crise du gaz russe qui l’a ébranlée en 2022 et a réduit son potentiel de croissance (moins de 1% dans la zone Euro en 2023).

L’économie américaine, qui reste toujours la première puissance du monde, grâce au dollar, à ses hydrocarbures et à son armée, a soutenu sa croissance (+ 2,5%) par notamment des investissements massifs dans le cadre des son plan « IRA » (Inflation Reduction Act)….

Les banques centrales semblent avoir réussi à juguler les flambées inflationnistes, mais au prix de taux d’intérêt élevés, et donc d’un accès au crédit plus coûteux et plus sélectif.

En ce début 2024, la croissance mondiale s’essoufle, sauf dans quelques régions.

La Chine a perdu son rôle de locomotive de l’expansion.

Et la « mondialisation heureuse » des années 1980/1990 fait place à une « fragmentation » des échanges internationaux, par grandes régions affinitaires, et à une réorganisation des chaînes d’approvisionnement industriel, visant à réduire la dépendance des pays avancés.

La plupart des pays développés se trouvent confrontés à des transitions douloureuses face au dérèglement climatique et au défi de la sortie des énergies fossiles qu’ils se sont eux-mêmes imposé, comme l’a confirmé la COP 28 de Dubaï de décembre 2023.

Or leurs marges de manoeuvre se sont considérablement réduites du fait d’un endettement public croissant, de la hausse des taux d’intérêt, et de l’intensification des demandes de protection de la part des citoyens et des acteurs économiques confrontés à la montée des menaces, et aux coûts des transitions incontournables.

L’État-Providence à bout de souffle

Cette équation impossible met à mal le modèle économique de l’État-Providence, associé aux années de forte expansion et de prospérité de la seconde moitié du 20ème siècle.

La vague des mouvements populistes, les manifestations violentes, les révoltes paysannes, après celles des « Gilets jaunes », la fatigue et le désenchantement des classes moyennes, sont les conséquences les plus visibles de la panne de l’État-Providence.

Bâtir un nouveau modèle socio-économique pour les démocraties, n’est-ce pas aujourd’hui un véritable enjeu de civilisation?

Face à la panne de l’État-Providence, les démocraties occidentales n’ont pas de modèle de rechange.

Les alternatives existant dans le monde de 2024 sont des systèmes autoritaires, centralisés, pratiquant un capitalisme d’Etat, réduisant les libertés individuelles, bannissant toute opposition et contre-pouvoirs, à l’instar de la Russie, de la Chine ou de l’Iran…

Avec la poursuite de la guerre Russie-Ukraine, de la rivalité États-Unis-Chine dans la zone Pacifique, des tensions aux Moyen-Orient, avec l’exacerbation du radicalisme islamiste, il y a fort à parier que l’affrontement entre ces modèles de société continuera en 2024 et peut-être même s’intensifiera.

En France, l’année 2024 qui a débuté par l’installation d’un nouveau gouvernement confié au plus jeune Premier ministre de la 5ème République, est riche en rendez-vous et en inconnues : élections européennes, Jeux Olympiques, 80ème anniversaire du Débarquement allié… Sur fond d’inflation, de faible croissance, de crise agricole, de remontée du chômage et des dépôts de bilan.

Le gouvernement annonce un projet de loi sur l’attractivité financière de la France et un second chapitre de la loi PACTE avec un grand volet sur la simplification administrative.  Tout en réitérant ses objectifs de réduire les déficits abyssaux du Budget et du commerce extérieur…

Vaste programme!

J.G.

crédit photo : Gerd Altmann – Pixabay

Retour sur trois défis

Les pires augures qui planaient sur 2023 ne se sont pas réalisés. Mais les menaces, les risques et les motifs d’inquiètude demeurent élevés en ce début d’année 2024.

Au moins trois inconnues pesaient sur la conjoncture internationale et en particulier sur les économies européennes au début de l’an dernier : la poursuite de la guerre entre la Russie et l’Ukraine; la flambée des prix de l’énergie et des matières premières; le regain de l’inflation à des niveaux inconnus depuis trois décennies…

Qu’en est-il aujourd’hui ?

1. Champs de bataille …

En ce début de 2024, la guerre à la frontière Est de l’Europe se poursuit toujours. Elle entrera en février dans sa troisième année. Et nul ne peut en présager l’issue. Même si le réalisme et l’histoire suggèrent que les belligérants n’en sortiront qu’après de très lourdes pertes humaines et matérielles et qu’au prix de concessions territoriales.

Malgré les soutiens renforcés des Etats-Unis et de l’Europe, l’Ukraine peine à enfoncer le front russe et à reconquérir les territoires occupés. Motif de satisfaction et d’espoir pour Kiev, le 14 décembre 2023, les dirigeants des pays de l’Union européenne (UE), à l’exception de la Hongrie, ont officiellement validé l’ouverture des négociations d’adhésion à l’Europe de l’Ukraine, mais aussi de la Moldavie.

Un nouveau front de conflit meurtrier s’est rouvert le 7 octobre 2023 au Moyen-Orient. Après le raid sanguinaire et horrifiant du Hamas en Israel et la riposte intense et violente de l’armée israélienne dans la Bande de Gaza, ayant comme objectif affiché d’éradiquer les terroristes jusqu’au dernier, ce conflit ouvre une nouvelle ligne de fracture géostratégique et accroit la menace terroriste dans les pays occidentaux.

Impact direct du conflit sur la fluidité du commerce international : les attaques déclenchées, en solidarité avec le Hamas, par les rebelles Houthis du Yemen sur les navires marchands en Mer Rouge perturbent le trafic maritime via le Canal de Suez, par lequel transite 12% du commerce mondial. Ceci entraîne de nouvelles ruptures dans les chaînes d’approvisonnement entre l’Asie et l’Europe.

2. Crise  énergétique, un mauvais souvenir?

La panique qui avait saisi les Européens privés du gaz russe suite à l’embargo mis sur les livraisons en provenance de Russie, semble aujourd’hui un mauvais souvenir. L’Europe a su rapidement mettre trouver des fournisseurs alternatifs et renforcer ses équipements de réception du GNL (gaz naturel liquéfié) pour réceptionner d’autres livraisons.

Les stocks européens de gaz sont actuellement remplis à 99,5%, selon le cabinet spécialisé Omnegy, et les cours du gaz poursuivent leur pente baissière depuis octobre.

Par ailleurs, cette crise a conduit l’Europe à reviser son système de tarification communautaire du prix de l’énergie jusqu’alors trop dépendant du gaz russe; ce qui entraînait des distorsions de prix pour des pays comme la France productrice d’une énergie nucléaire bon marché.

La détente est revenu sur le marché pétrolier, avec une baisse de 20% des cours du brut par rapport à l’automne 2022, confortée par la décision du premier exportateur mondial, l’Arabie saoudite de baisser ses tarifs début 2024.

Cependant les engagements des pays occidentaux, dans la ligne de la COP 28 de Dubaï, de tourner le dos aux energies fossiles, rend encore plus pressant le défi de développer à brève échéance suffisamment de sources d’énergie « renouvelable ». D’autant que l’interdiction européenne des voitures thermiques après 2030 pose la question de l’adéquation de la fourniture électrique pour répondre à la demande…

Cette transition énergétique nécessite, selon tous les observateurs, des investissements colossaux, et donc un endettement supplémentaire du secteur privé et public.

3. La désinflation en bonne voie

Le retour en force de l’inflation après la sortie de la pandémie de Covid19 avait fait l’effet d’une bombe, menaçant la pérennité du rebond de croissance.

Les politiques restrictives des autorités monétaires ont accompagné le recul de l’inflation aux Etats-Unis et en Europe. Mais il subsiste des poches de hausse de prix et l’instabilité géopolitique contraint à la réorganisation des chaînes d’approvisonnement industriel, source d’augmentations dans le coût du fret.

Les taux d’intérêt élevés pèsent aussi sur l’investissement et la distribution de crédits.

En France, la hausse moyenne des prix est passée de 5,2% en 2022 à 4,9% en 2023. Elle devrait se situer en dessous des 3% en 2024 a assuré  le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, lors de la cérémonie des vœux.

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Cette moyenne cache toutefois des écarts sensibles de prix des biens et services.

Ceci influence nettement les comportements des consommateurs qui arbitrent entre leurs achats. Face à des dépenses contraintes qui ont bien augmenté (énergie, transports, logement, télécoms, assurances), les consommateurs ont été beaucoup plus sélectifs dans leurs achats alimentaires, d’habillement, de produits et soins de beauté notamment… 

Ce qui pénalise les commerces, notamment les indépendants qui ont vu leurs marges se contracter fortement du fait des années de pandémie-confinement, et du fait de la succession des manifestations de rue.

Les prix des denrées alimentaires, – avec des bonds de plus de 20% pour certains produits – ont augmenté de 12,2% en moyenne en 2023, selon l’Insee.

Les négociations entre centrales d’achat des grands distributeurs et les groupes agroalimentaires ont pour but de limiter ces hausse en 2024, voire de faire baisser les prix en rayons de certains produits de consommation courante comme les pâtes alimentaires. Les chaînes de la grande distribution assurent avoir déjà baissé les prix de leurs produits sous marque de distributeur (MDD).

L’Insee prévoit un rythme de hausse des prix de 2,6% en juin 2024, prévision en ligne avec celle de la Banque de France qui l’affiche à 2,5% pour cette année.

Certes, le rythme de l’inflation ralentit, mais le niveau des prix s’est installé à un étiage supérieur à ce qu’il était avant les années de pandémie.

Les prix de l’énergie ont décéléré, – après des sommets atteints en 2022 en particulier pour les tarifs du gaz et de l’électricité -, mais ce sujet reste une préoccupation majeure pour les chefs d’entreprise, notamment dans l’industrie. C’est ce qui ressort notamment de la dernière enquête de conjoncture de la CPME; 7% des sondés se verraient même « contraints de cesser leur activité si une baisse des prix n’intervient pas rapidement »

 

crédit photo : Gerd Altmann – Pixabay

2024

Des perspectives d’activité en demi-teinte 

 

# France

Selon l’Insee, la croissance du PIB a atteint un petit 0,8% en 2023, soit une progression en dessous des prévisions de croissance annuelle du gouvernement à 1%.

En 2024, l’Institut de la statistique voit l’activité « accélérer quelque peu au premier semestre (+0,2 % prévu par trimestre), à la faveur de la désinflation et d’une reprise modérée du commerce mondial, même si les effets du resserrement monétaire passé continueraient de se faire sentir sur l’investissement et notamment de pénaliser le secteur de la construction.

Selon l’Insee, « la consommation tout comme la production industrielle repartiraient ainsi à la hausse et l’investissement des entreprises se maintiendrait tout juste. »

Moins de 1% de croissance en 2024…

En 2024, la France devra davantage compter sur la consommation des ménages (+1,4%) pour soutenir la croissance économique que sur le développement des entreprises. Notamment avec le reflux de l’inflation, les augmentations de salaires et les revenus de transferts sociaux.  La reprise des crédits immobiliers serait aussi un bon signal, pour les acquéreurs comme pour les professionnels de ce secteur pénalisé par l’inflation et des taux d’intérêt élevés.

La Banque de France prévoit une activité « ralentie en 2024 », avec 0,9% de croissance en 2024, 1, 3% en 2025, puis 1,6% en 2026 :

« En 2024, la croissance serait davantage tirée par la consommation des ménages, sous l’effet du repli de l’inflation, bénéfique au pouvoir d’achat des salaires, et de la baisse du taux d’épargne », confirme la Banque centrale.

Compte tenu d’une conjoncture incertaine et « du maintien de conditions de financement restrictives« , l’Insee prévoit que les investissements des entreprises seraient en léger recul  au premier et deuxième trimestre de 2024 : « L’investissement en services poursuivrait son ralentissement; l’investissement en produits manufacturés poursuivrait son repli, en lien avec le faible dynamisme de l’activité; l’investissement en construction resterait aussi en baisse, affecté par le recul persistant des mises en chantier de bâtiments non résidentiels et le faible dynamisme de l’entretien-amélioration des bâtiments ».

… et un chômage qui repart à la hausse

Dès lors, l’objectif gouvernemental d’atteindre le plein emploi (évalué à 5% de taux de chômage) s’éloigne. Après son niveau bas atteint au premier trimestre 2023 (7,1%), le chômage est reparti à la hausse en fin d’année dernière, atteignant les 7,5% de la population active, et l’Insee l’estime à 7,6% en 2024.

Notons cependant que la croissance française, même faible, a fait mieux en 2023 que celle de la moyenne des pays de la Zone Euro (+0,6%).

Tandis que notre principal partenaire, l’Allemagne a connu une recession à -0,3%…

Le cabinet d’études économiques Asterès explique que « l’économie allemande a été pénalisée par une multitude de chocs en 2023 : forte hausse du prix de l’énergie dans un pays très dépendant du gaz russe, difficultés des exportations dans un contexte de croissance mondiale peu vigoureuse, concurrence chinoise dans l’automobile… » 
Selon Asterès l’écart de croissance entre l’Allemagne, la France et les Etats-Unis s’explique aussi en partie par un moindre recours à la « stimulation budgétaire ».
Le cabinet s’est livré à une intéressante simulation :  si le déficit public en Allemagne avait été équivalent au déficit français, « la croissance allemande en 2023 aurait été de 1,6 %, et si son déficit avait atteint le niveau de celui des Etats-Unis, la croissance (Outre-Rhin) aurait été de 4,8 % (contre 2,1 % aux Etats-Unis) »!

 

# Monde : croissance au ralenti

Dans un contexte de fortes tensions et donc d’incertitudes géopolitiques, l’environnement international est moins porteur : le FMI observe un ralentissement de la croissance mondiale, passant de 3,5 % en 2022 à 3 % en 2023 et à 2,9 % en 2024, soit bien moins que la moyenne historique des deux décennies avant Covid, 2000–2019, qui était de 3,8 %…

En 2024, l’Inde continuerait de faire la course en tête avec 6,3% de croissance, tandis que l’économie chinoise, pénalisée par une crise immobilière, ralentirait à 4,2%, après 5% en 2023.

L’économie des États-Unis devrait aussi ralentir (à 1,5% après 2,1%, selon les projections du FMI), tandis que l’Allemagne repasserait en positif cette année (+0,9%) après une décrue en 2023.

Le commerce mondial pâtit de cette conjoncture en dents de scie, les échanges de marchandises ont ralenti en 2023 du fait d’une croissance économique plus faible dans les pays-phares, après un fort rattrapage post-Covid en 2021 et 2022.

En revanche le tourisme mondial retrouve le sourire. L’organisation mondiale du tourisme estime qu’il devrait retrouver en 2024 son niveau de 2019!

On n’assite pas à une « démondialisation » des échanges, comme l’anticipent certains commentateurs, mais plutôt à une « fragmentation » au sein des grandes régions du globe.

C’est une réorganisation des chaînes d’aprovisonnement (supply chain) des circuits de production et de distribution qui est en cours, consécutive à la pandémie, et sous l’effet conjugué des tensions géopolitiques et des enjeux climatiques.

Cette nouvelle donne devrait inciter les pays européens a resserrer leurs échanges avec le continent africain et le Proche-Orient, en raison de la proximité géographique et des liens historiques.

D’autant que la rivalité Chine/État-Unis se prolonge sur le continent africain où les deux grandes puissances renforcent leur présence…

 

L’État-Providence à l’épreuve

Inflation, croissance atone, endettement public, montée des risques … Autant de facteurs qui mettent à l’épreuve le modèle de l’État-Providence, qui prospérait depuis les années 1950 dans la plupart des démocraties occidentales. Ce système, financé par la fiscalité (laquelle pèse de plus en plus sur les actifs), est aujourd’hui fortement sollicité par les citoyens et les acteurs économiques pour atténuer l’impact des chocs extérieurs et des hausses de prix. Or le ralentissement de la croissance, donc de la création de richesses, les hausses des taux d’intérêt pesant des niveaux élevés de l’endettement public, réduisent les capacités redistributives des États. Tandis qu’une multiplication de normes et de règlements s’imposent aux acteurs économiques et aux citoyens, complique leur vie quotidienne, prospère le phénomène bureaucratique qui dissuade les initiatives et la créativité… Ces contradictions nourrissent les ressentiments dans la population, la défiance à l’égard des dirigeants, les mouvements populistes, les révoltes et les flambées de violence.

crédit photo : Mohamed Hassan – Pixabay

Situation des entreprises : signaux d’alerte

 La baisse de l’activité est la première des préoccupations des dirigeants d’entreprise, selon la dernière enquête de la CPME  : 35% des sondés déclarent une baisse de leur chiffre d’affaires; 42% une dégradation de leur trésorerie.

Un chef d’entreprise sur deux déplore une dégradation du taux de marge par rapport à 2019, année avant la pandémie, dans cette enquête réalisée par la confédération des PME entre le 9 novembre et le 4 décembre 2023 auprès de 1 418 dirigeants.

Plus de la moitié (52%) des dirigeants interrogés jugent difficile l’accès au crédit bancaire, tandis que les trois quart (78%) estiment que les conditions de financement se sont durcies par rapport à l’année dernière.

28% des entreprises ayant souscrit un PGE (prêt garanti par l’État) disent rencontrer de plus en plus de difficultés pour le rembourser et 3% se disent dans l’incapacité de le faire.

Pressions des clients, des fournisseurs et des salariés…

Le regain de l’inflation a nourri la demande de revalorisation des salaires, dans un contexte où les entreprises éprouvent souvent des difficultés à recruter ou à fidéliser les talents.

Or les PME se retrouvent prises entre la hausse de leurs coûts et charges, et les pressions de leurs donneurs d’ordres ou clients pour baisser leur tarifs…

Reçu à Matignon par le Premier ministre, Gabriel Attal, ce 18 janvier, le président de la CPME, François Asselin, a exprimé les inquiétudes de la CPME devant la multiplication des signaux de ralentissement de l’activité, en particulier dans le secteur immobilier (voir infra).

Il a souligné le caractère paradoxal de la situation actuelle où « les entreprises continuent à rencontrer des difficultés pour recruter alors que l’activité marque le pas. »

Tarifs de l’électricité et du gaz : François Asselin a plaidé pour que les pouvoirs publics donnent davantage de visibilité sur les évolutions à venir des prix de ces deux sources d’énérgie cruciales pour les entreprises.

Bruno Le Maire a annoncé le 21 janvier que les tarifs de l’électricité connaîtraient une hausse inférieure à 10% en février.

Par ailleurs, le président de la confédération patronale a demandé un assouplissement du dispositif d’allongement de la durée de remboursement du prêt garanti par l’État (PGE) et la suppression de la mise en défaut bancaire.

Rappelons que Bercy a consenti un report jusqu’à fin 2026  pour le rééchelonnement du remboursement des des PGE.

L’enquête menée de son côté par le SDI, syndicat des indépendants, début janvier auprès de 1 472 TPE corrobore la dégradation de la situation  : 50% des sondés déplorent une baisse de leur activité en 2023; 57% font état de difficultés de trésorerie et près de 9 sur 10 se disent inquiets face à l’avenir.

En raison de la faiblesse de leurs fonds propres, de la charge de remboursement des PGE pour certaines, les TPE sont contraintes de solliciter des crédits de trésorerie ou des découverts coûteux : placées en bout de chaîne, souligne le SDI, les TPE sont rarement en position d’obtenir une réduction des délais de paiements de leurs donneurs d’ordre ou clients, et ne peuvent reporter le paiement de leurs fournisseurs!

Des secteurs comme l’immobilier, mais aussi le commerce alimentaire spécialisé, l’habillement, l’hygiène-beauté, sont impactés par l’évolution des comportements d’achat des consommateurs.

crédit photo : Pixabay

Secousses dans l’immobilier

Les ventes de logements existants ont enregistré une chute historique, la plus forte baisse de ces 50 dernières années, alerte la FNAIM. La Fédération nationale de l’immobilier estime à 875 000 le nombre des ventes conclues dans le logement ancien en 2023, soit une baisse de 21,5% par rapport aux 1 115 000 transactions effectuées en 2022. Cette décélération s’explique, selon la Fédération, par l’effet conjugué de l’inflation, de la hausse des taux d’intérêt et des difficultés croissantes d’accès au crédit immobilier. De plus, la pénurie de biens à vendre s’accompagne désormais d’une pénurie de biens à louer. La Fédération déplore la défaillance de 887 agences immobilières en 2023, elles pourraient être 1 400 cette année à fermer leurs portes…

 

 

crédit illustration : Gerd Altmann – Pixabay

Les faillites repartent à la hausse

Après le net recul des années 2021 et 2022, grâce aux soutiens publics – le fameux « Quoi-qu’il-en-coûte », les défaillances d’entreprises sont en hausse.

56 601 défaillances* en France en 2023, soit 8% de plus qu’en 2019, sont dénombrées par BPCE L’Observatoire.

S’agit-il d’un simple effet de rattrapage par rapport aux deux années précédentes, comme l’analysent certains?

Alain Tourdjman, directeur des études économiques et Julien Laugier, économiste à BPCE,  pointent plusieurs signaux d’alerte préoccupants. Tels que l’accélération du nombre des défaillances au 4ème trimestre de 2023, le nombre plus important de PME-ETI concernées et une remontée des mises en liquidation directes par rapport aux procédures de redressement : selon les deux économistes auteurs de l’étude, cela traduit une « situation de ces entreprises tellement dégradée que leur liquidation était devenue  inévitable »…

L’accélération des procédures au 4ème trimestre est confirmée aussi par le groupe Altares qui évalue le nombre total de défaillances en 2023 à un niveau plus élevé : 57 729, soit 36% de hausse par rapport à 2022.

Pour Thierry Millon, directeur des études d’Altares, « nous amorçons désormais une nouvelle phase, plus structurelle, davantage liée aux insuffisances financières des entreprises qui doivent naviguer dans un environnement économique extraordinairement tendu. Le mauvais chiffre du dernier trimestre de l’année 2023, un des pires sur trente ans, ne saurait s’expliquer par le seul retour d’une action de recouvrement plus habituelle des Urssaf, après une longue période accommodante.  Activité en berne, niveau d’inflation encore élevé, taux d’intérêt toujours hauts, consommation qui flanche, forment un dangereux cocktail pour des entreprises aux trésoreries épuisées après une succession de crises. Même les plus grands acteurs ne sont pas épargnés, transférant ainsi potentiellement le risque vers leurs fournisseurs et sous-traitants : 171 entreprises d’au moins 100 salariés ont défailli en 2023, c’est 80% de plus qu’en 2022 et un nombre au plus haut depuis 2014! »

En 2024, BPCE L’Observatoire prévoit une nouvelle augmentation de 10% des défaillances qui  atteindraient les 62 000, ce qui menacerait quelque 250 000 emplois. A comparer aux 180 000 emplois créés en net en 2023.

*Dans les statistiques citées, une défaillance correspond à l’ouverture d’une procédure, soit de redressement ou de sauvegarde, soit de liquidation.