PERSPECTIVES 2021 (suite)
Ce que la crise sanitaire a changé et va changer

2021 porte l’espoir d’une sortie, progressive, de la crise sanitaire et économique. De nombreuses inconnues demeurent…  Mais d’ores et déjà, on peut voir des changements à l’œuvre ou qui vont s’accélérer dans la vie et l’organisation des entreprises.

 

crédit photo : Mohamed Hassan – Pixabay

La dialectique Santé/Économie a influencé tous les choix des politiques publiques en 2020. Ce difficile arbitrage continuera à s’imposer aux dirigeants en 2021.

Dans nos démocraties sociales, où les gouvernements déploient à grand frais le manteau protecteur de l’État-Providence sur les citoyens, il est impensable de sacrifier la santé des personnes à la bonne marche de l’économie…

Le premier trimestre 2021 sera une période particulièrement critique : la vaccination ne fera que débuter, ses effets ne se feront pas sentir immédiatement, or si l’épidémie connaît une nouvelle flambée après les fêtes de fin d’année, se profilera la perspective d’un 3ème confinement… Quoi qu’il en soit, les mesures de distanciation physique, gestes barrières et autres dispositifs prophylactiques perdureront. 

Un Stop&Go sanitaire et économique périlleux

Re-confiner? C’est une hypothèse que la Confédération des PME redoute particulièrement:  « Le confinement doit être la dernière extrémité pour mettre fin à une situation incontrôlable, et non une simple hypothèse parmi d’autres« , écrit la CPME  dans un communiqué publié le 28 décembre. « Confiner , c’est passer l’économie au ralenti avec des conséquences économiques, sociales et humaines, catastrophiques à court, moyen et long terme. « Confiner » c’est restreindre la liberté d’entreprendre, la liberté de circuler… (…)

« Un grand nombre d’entreprises vivent actuellement sous perfusion. Leur taux d’endettement a explosé et cela ne sera pas sans effet, qu’on le veuille ou non.

« Notre système de protection sociale est également gravement en danger. Son financement doit désormais être rétabli au plus vite. Une croissance forte peut être la solution pour éviter de nouveaux prélèvements. Mais cela ne se fera pas avec une « économie en stop and go » qui favorise davantage l’épargne de précaution que l’investissement », avertit la CPME.

Mi-décembre, le Cercle des économistes que préside Jean-Hervé Lorenzi, a organisé une série de débats en ligne, réunissant experts et personnalités de l’économie et de la médecine, sur le thème « Santé ou Économie : a-t-on le choix ? « .

Le Cercle regrette que ces deux domaines, pourtant « inter-reliés » soient « traités à part, ou au moins séquentiellement, par les pouvoirs publics et les observateurs » :

« On ne sauvera pas l’économie si la société traverse une crise sanitaire hors de contrôle, mais si l’économie ne se relève pas des mesures prises pour contrer la maladie, les conséquences seront tout aussi dramatiques… « 

 

Les débatteurs partagent le constat qu’il y a « un réel manque de débat démocratique sur la question du Stop&Go sanitaire et économique : Il faut encourager les discussions entre la sphère sanitaire et la sphère économique pour établir une nouvelle doctrine complète, identifiée et efficace. »

Des différents échanges menés pendant une semaine, le Cercle des économistes a tiré plusieurs enseignements et recommandations dont nous reproduisons les plus marquants :

#  La crise sanitaire et économique sera de longue durée

« Si la perspective d’un vaccin nous laisse espérer une fin prochaine, le retour à la normale ne pourra pas se faire avant l’été prochain et nous devons nous organiser pour répondre aux risques de nouvelles vagues épidémiques dans les prochains mois. En effet, la récurrence des chutes de PIB liée aux confinement répétés réduit peu à peu la croissance potentielle des cinq prochaines années, et retarde de plus en plus loin le retour à une situation de richesse comparable à l’avant-crise. » (…)

Ainsi, pour l’économiste Patrick Artus, si nous étions confrontés à une troisième vague épidémique en 2021, les perspectives de croissance seraient réduite à 2% pour l’année (au lieu des 4% anticipés). Or « toute chute du PIB se rattrape difficilement… »  

# Une doctrine d’action complète, identifiée et efficace

« L’installation de la pandémie dans un temps plus long doit nous pousser à créer une doctrine complète, identifiée et efficace. La doctrine existante (le triptyque « tester, tracer, isoler ») est difficilement applicable aujourd’hui en France, notamment pour sa dimension « isoler ». De plus, c’est une doctrine d’urgence, qui ne permet pas d’anticiper. Et elle fonctionne de manière séquentielle avec son volet économique (« Quoi qu’il en coûte ») alors que les deux dimensions doivent être associées. Composer cette nouvelle doctrine doit être définie après une discussion étendue entre les secteurs de la santé et économiques. » (…)

# La riposte à la crise sanitaire ne doit pas faire oublier la nécessaire réforme de l’État

« La mise en œuvre de cette doctrine doit s’inscrire dans la volonté de décentralisation de l’action publique qui s’est exprimée dès le premier confinement. Les régions en particulier ont démontré leur capacité d’action et leur pertinence à cette occasion. Plus largement, ce sera l’occasion de reprendre les travaux sur la réforme de l’Etat pour sortir de son organisation en silo, et faire mieux fonctionner ensemble tous les échelons de décision. » (…)

# Combler les « trous dans la raquette » des aides

« Cette crise a été l’occasion de mesures de sauvegarde courageuses et inédites prises par le gouvernement. Mais malgré la bonne volonté sur ce plan, des trous subsistent dans la raquette, notamment en ce qui concerne la jeunesse et les travailleurs « en première ligne ». Nous ne pouvons pas attendre le rebond espéré sur le plan économique pour que leur situation s’améliore, et il faut tout faire dès maintenant pour que cette génération et les personnes les plus précaires ne soit ni sacrifiées ni oubliées. » (…)

# Nouvelle organisation du travail et ré-industrialisation

« La crise crée cependant des opportunités qu’il faut saisir rapidement, notamment la digitalisation de plusieurs secteurs et de nouvelles organisations du travail (voir notre second article ci-dessous – NDLR). Mais il ne faut pas céder à une vision trop simpliste des vertus du télétravail ou du recours accru aux outils numériques. Les entreprises se disent encore très prudentes avant d’envisager d’engager des salariés à distance, et les emplois compatibles avec le télétravail ne pourront pas remplacer ceux détruits par le mouvement de désindustrialisation français des dernières années.

« Le tissu productif doit se renouveler et se moderniser rapidement si nous voulons réindustrialiser le pays. Il n’y aura pas de relocalisation de masse, mais la création de nouvelles industries est possible, notamment en s’appuyant sur le plan de relance qui doit cibler des filières d’avenir. »

Pour certains observateurs, il ne faut pas s’attendre à un retour massif en France des industries qui s’étaient naguère délocalisées dans les pays à faible coût de main d’œuvre; mais plutôt tabler sur la localisation en France d’activités nouvelles, d’industries du futur, qui auraient pu, dans le passé, être tentées par une délocalisation… A cette fin, il est indispensable que les autorités publiques créent un environnement fiscal et réglementaire propice aux investisseurs, et réduisent la complexité administrative et normative.

 

# Maintenir en 2021 des mesures de soutien à l’économie

« La situation sanitaire et macroéconomique va rester très difficile pendant encore plusieurs mois. Les aides mises en place ne doivent pas être retirées trop rapidement, nous ne sommes malheureusement pas à l’abri d’un nouveau choc épidémique. La stabilité des mesures publiques dans le temps permet une meilleure adaptation du tissu économique. » (…)

Des organisations professionnelles demandent le prolongement du Fonds de solidarité jusqu’au 30 juin 2021. Tandis que le secteur de la restauration plaide pour que l’exercice 2020 devienne une « année blanche fiscale »…

 

>>> Vous pouvez retrouver les vidéos de ces débats sur le site du Cercle des économistes

 

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La crise sanitaire pousse les entreprises à se réorganiser et à se transformer

Crédit photo : Gerd Altmann – Pixabay

Directeur général de l’Institut de l’Entreprise, Paul Allibert a souligné combien les entreprises avaient fait preuve de réactivité et d’une grande capacité d’adaptation face à l’irruption soudaine de la pandémie.

Cette attitude pragmatique et responsable des entreprises, grandes et petites, a permis, dès les premiers jours de confinement, d’assurer la continuité des approvisionnements et des services essentiels, évitant ainsi un effondrement de l’économie…

« Durant cette cette période, les entreprises ont été plus qu’à la hauteur; leur capital-confiance est en croissance »,  a notamment fait valoir Paul Allibert lors des débats du Cercle des économistes : « On a franchi des pas de géants dans l’organisation des entreprises. »

♦ Sécurité d’abord!

Rapidement, les entreprises ont intégré dans leur fonctionnement tout un arsenal de mesures de sécurité et de précaution, avant même que celles-ci ne soient codifiées dans des protocoles sanitaires sectoriels. Destinés à assurer la sécurité sanitaire de leurs collaborateurs, clients et fournisseurs, ces différents dispositifs ont fait peser sur les entreprises de nouvelles contraintes, alors que leur fardeau normatif était déjà suffisamment lourd!

Dans une intéressante étude sur l’impact du premier confinement, l’Insee (1) a évalué le coût supplémentaire de ces mesures de sécurité :  « En moyenne, les sociétés évaluent à 3 % du chiffre d’affaires le coût direct des achats de masques, gel hydroalcoolique, etc. Ces coûts atteignent 5 % dans l’hébergement, la restauration ou les activités relatives à la santé humaine.

« Par ailleurs, 70 % des sociétés signalent l’existence de coûts indirects, liés à la distanciation physique (accueil limité de clients, espacement des rendez-vous, réorganisation des salariés dans la chaîne de production, etc.) et à l’exploitation limitée de l’espace (pour les salariés ou les clients). Ils représentent 6 % du chiffre d’affaires 2019 en moyenne. Dans la restauration, ils s’élèvent à 16 % du chiffre d’affaires 2019, 14 % dans les activités culturelles. Le coût total représente 20 % du chiffre d’affaires dans la restauration, 18 % dans les activités culturelles. En revanche, il pèse pour moins de 5 % dans le commerce de gros, l’industrie textile et l’industrie pharmaceutique. »

(1) « L’impact de la crise sanitaire sur l’organisation et l’activité des sociétés », par Cindy Duc et Catherine Souquet – Insee Première N01830 – Décembre 2020

 

♦ L’intensification du télétravail presse les entreprises de se réorganiser

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Alors qu’il représentait une pratique marginale avant le premier confinement de mars 2020 (moins de 5% des salariés en télétravail de façon régulière en 2018), le travail à distance s’est presque banalisé du fait de la crise sanitaire.

Le chiffre de 5 millions de salariés en télétravail a été cité durant le premier confinement.

Différents sondages ont fait apparaître qu’une large majorité des collaborateurs des entreprises plébiscitaient cette organisation du travail, notamment lorsqu’elle est « hybride », combinant jours de présence dans l’entreprise et travail à distance, soit à domicile ou dans un tiers-lieu (espace de co-working).

Les directions d’entreprises, réputées plus réticentes à l’origine (1), semblent s’être converties, à la faveur de la crise, à une organisation plus flexible, à condition que le télétravail ne soit pas intégral (5 jours sur 5), qu’il repose sur un accord contractuel réciproque, et qu’il soit réversible en fonction des nécessités du service.

Ainsi l’aile la plus progressiste du patronat français, le CJD, Centre des jeunes dirigeants d’entreprise, est plutôt partisan d’un rythme alterné, combinant travail à distance et présentiel : seuls 19% de ses adhérents interrogés récemment se prononcent en faveur d’un télétravail à temps plein; un nombre plus important  se dit favorable à un « télétravail assoupli et alterné » avec du présentiel sur une moyenne de 2 jours par semaine.

Généraliser le télétravail ne fait-il pas vaciller un des piliers du salariat : le « lien de subordination » salarié-employeur?

En droit français, c’est en effet le lien de subordination juridique qui définit le salariat, par opposition au travail indépendant « non-salarié » (TNS). Le travail non posté, hors les murs de l’entreprise, brise les modes traditionnels de contrôle et de surveillance caractéristiques d’un management hiérarchique et taylorien, un modèle de commandement qui perdure encore dans de nombreuses entreprises et administrations… Cela oblige aussi à sortir d’un mode d’appréciation du travail au « temps passé » pour un management « au résultat », laissant au collaborateur une large autonomie dans l’organisation de son planning . Côté entreprises, le télétravail peut être perçu comme l’occasion de réduire les frais immobiliers en diminuant les mètres carrés professionnels, en proposant des bureaux « à la carte »… Et aussi de privilégier des contrats de prestations de services avec des free-lance payés à la tâche, de préférence à des CDI avec des salariés… Le télétravail est porteur de révolutions à venir!

 

L’ANI du 26 novembre : un nouveau cadre qui clarifie les règles

Le recours soudain et souvent contraint au télétravail lors du premier confinement a conduit les partenaires sociaux, et notamment les syndicats de salariés à demander un « cadre clair » bordant son exercice et qui serve de référent en cas de conflits et dissensions. Jusqu’alors, le télétravail était régi par l’accord national interprofessionnel (ANI) de 2005, ainsi que par un ensemble de dispositions législatives dont certaines ont été modifiées par les Ordonnances sur le Travail de 2017.

C’est ainsi qu’un nouvel accord national interprofessionnel, patronat-syndicat, a finalement été conclu le 26 novembre 2020, sous la forme d’un compromis que la CGT ne veut pas signer.

La CFDT signataire se félicite des avancées de ce nouvel ANI Télétravail : « Même si (nous aurions) préféré un accord normatif, les avancées obtenues grâce à nos propositions permettent d’offrir un cadre plus clair au télétravail. »

Cet ANI précise les règles de définition du champ des postes éligibles au télétravail, le double volontariat (il garantit notamment la réversibilité du choix du salarié, et la motivation du refus du télétravail par l’employeur), la prise en charge des frais professionnels, l’équipement et l’usage des outils numériques ou encore la période d’adaptation du salarié en télétravail.

Le Medef, pour sa part, se réjouit que cet ANI ne soit pas contraignant, qu’il renvoie à la négociation entreprise par entreprise,  et qu’il laisse l’employeur déterminer les postes éligibles au télétravail, même si la concertation est encouragée avec les représentants des salariés : « Cet accord fournit un appui à la négociation au niveau de l’entreprise et, le cas échéant, de la branche professionnelle, pour mettre en place le télétravail tout en conciliant performance sociale et économique de l’entreprise. »

(1) Une étude réalisée fin 2016, donc bien avant la pandémie de Covid19, par le groupe Randstad auprès d’un échantillon de salariés représentatifs, faisait apparaître que si deux-tiers d’entre eux étaient favorables à télétravailler, seulement 16% d’entre eux disaient pouvoir compter sur l’assentiment de leur employeur…

 

 Classé plutôt à gauche, le Think-TankTerra Nova  plaide pour un développement beaucoup plus ambitieux et « proactif » du travail à distance, quitte à le rendre obligatoire!

Pour favoriser l’extension du télétravail, il faudrait, selon ce laboratoire d’idées, raisonner tâche par tâche et non pas simplement par métier : « Raisonner par tâches ou par activité fait émerger de nombreuses possibilités de télétravail partiel. Par exemple, une assistante de direction peut effectuer une forte partie de ses tâches à distance. A-t-on vraiment besoin de sa présence physique constante ? »

♦ Les bénéfices du travail à distance selon Terra Nova 

« Pour l’entreprise : évolution positive de l’efficacité du travail et du management, développement d’objectifs en mode projet, flexibilité des organisations du travail; 

« Pour les salariés : gains de temps, réduction du stress et de la fatigue, meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle, autonomie;

« Pour la société : réduction de la congestion des transports publics et individuels, rééquilibrage territorial des activités, meilleure maîtrise des émissions de gaz à effet de serre). Il s’agit ici d’améliorer la qualité de vie. »

♦ Un management par la confiance…

Mais tout cela suppose une révision des pratiques de management « traditionnelles », encore très présentes dans les entreprises privées et publiques, où le « chef de service » veut « tenir à l’œil » ses équipes, et où le temps passé à son poste de travail tient lieu de mesure de l’engagement du collaborateur… Il faudrait, reconnaît Terra Nova, se départir d’une « culture du présentéisme », de « pratiques managériales encore fortement imprégnées par le taylorisme; et « passer d’un management de contrôle à un management d’accompagnement professionnel ».

Les entreprises qui pratiquaient déjà un management participatif avant la crise, qui accordaient à leurs équipes une autonomie d’organisation, ou qui avaient « compressé » leurs échelons hiérarchiques, seront les plus aptes à basculer vers ces nouveaux mode de travail, plus flexibles, pluriels, plus créatifs et, au final, plus performants. Rappelons que dans les périodes de transition, ce sont les plus adaptables, les plus inventifs et agiles qui réussissent.

♦ La crise accélère la  transformation digitale des entreprises

Le retard numérique de nos PME/TPE a souvent été pointé du doigt. Ainsi un rapport de la délégation sénatoriale aux entreprises * de juillet 2019 soulignait que la France se situe au 15ème rang en Europe en matière de numérisation: alors que la moitié des entreprises de plus de 250 salariés réalisent des ventes en ligne, seule une PME sur huit recours à cette option… Ce retard est d’autant plus regrettable, note le rapport que « 7 consommateurs sur 10 achètent et paient en ligne »…  Un retard qui coûterait à la France un point de croissance en moins!

*« L’accompagnement de la transition numérique des PME : comment la France peut-elle rattraper son retard? » Rapport d’information de Mme Pascale Gruny, sénateur de l’Aisne.

 

crédit photo : Mohamed Hassan – Pixabay

L’envol du e-commerce. Les confinements successifs, les restrictions à la circulation des personnes, ont fortement dopé le commerce en ligne, cela a été largement observé.

Les premiers bénéficiaires sont incontestablement les grandes plateformes internationales du Web comme Amazon*. Mais pas que. Des plateformes françaises comme CDiscount, Le Bon Coin, ont aussi profité du boom du e-commerce, au même titre que les grandes enseignes qui avaient entamé leur conversion digitale « omnicanal » avant la crise, tel le groupe Fnac-Darty …

En riposte à la crise, les réseaux de commerçants sous enseigne ont intensifié leur offre sur Internet, développé le « Click and Collect », ainsi que les livraisons à domicile. La Fevad, Fédération du e-commerce,  observe que les ventes via le Web des enseignes de magasins continuent de progresser rapidement , +29% au cours du 3ème trimestre 2020 : « depuis janvier, cette progression est trois fois plus importante que sur la même période en 2019,  montrant l’attachement des Français à leurs enseignes magasins. »

Toujours selon la Fevad, « les secteurs de l’alimentaire et la beauté-santé enregistrent les plus fortes croissances avec respectivement +36% (source : Nielsen) et +31%. La mode-habillement maintient la même tendance de croissance qu’au 2ème trimestre avec +17%.  Pour le secteur Hors Alimentaire, cette progression est de +18% sur cette même période soit une croissance 4 fois plus rapide que sur janvier à septembre 2019. »

De même, que les ventes via des « places de marché » en ligne ont nettement augmenté : « les ventes réalisées pour le compte de tiers (sur les places de marché) qui permettent à de nombreux magasins physiques et sites de limiter le recul de leurs ventes pendant leur fermeture, ont progressé de 22% (contre +11% au 3ème trimestre 2019). »

Certes, pour de nombreux commerçants indépendants, notamment dans les secteurs frappés de fermeture administrative, les restaurants, les traiteurs, certains prestataires de services, les ventes en ligne n’ont représenté qu’un maigre rattrapage d’un chiffre d’affaires définitivement perdu en 2020. La Fédération des enseignes spécialisées Procos estime qu’elles ne devraient « compenser que 5 % en moyenne de pertes de chiffre d’affaires des magasins fermés »…

Ces PME n’ont d’autre issue que le recours aux aides publiques et aux allégements/reports de charges avec leurs créanciers… Dans un communiqué commun publié le 28 décembre, de nombreuses fédérations professionnelles en appellent à la poursuite des mesures de soutien gouvernementales en 2021, afin d’éviter que des commerçants ne « décident de baisser définitivement leur rideau pour éviter de creuser leurs pertes… »

*Dans une tribune publiée par Le Journal du Dimanche, Pierre Bonis et Alain Assouline, respectivement directeur général de l’Afnic (Association française pour le nommage Internet en coopération) et président du syndicat d’entrepreneurs Cinov Numérique, s’inquiètent d’un partenariat conclu entre la Banque publique d’investissement, Bpifrance, et Amazon pour accélérer la numérisation des PME: « un choix qui risque d’enterrer le secteur français du numérique et, avec, les petits commerces et entreprises déjà en difficulté… »

Transition numérique, en marche!

Les pouvoirs publics, appuyés par les réseaux consulaires, CCI et CMA, ainsi que les fédérations professionnelles et les Régions, ont lancé un train de mesures de soutien et de conseil destinées à accélérer la « transition digitale » des PME-TPE. Telles, l’initiative gouvernementale France Num, un programme de soutien au développement de l’activité des PME via le numérique, ou encore l’opération « Clique mon commerce », une plateforme qui présente des solutions numériques, labellisées par les pouvoirs publics, pour créer un site Web, mettre en place une solution de logistique/livraison ou de paiement à distance, rejoindre une place de marché en ligne mettant en avant les commerces de proximité…

 

♦ Une entreprise plus soucieuse de ses parties prenantes et de son environnement

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La crise sanitaire a accéléré  la prise de conscience que l’entreprise n’est pas un corps étranger à la société, mais qu’elle est fortement ancrée dans la vie quotidienne des gens.

On l’a réalisé dès le premier confinement, avec les fonctions vitales (approvisionner, livrer, nourrir, nettoyer, etc.) assurées par une armée, trop longtemps invisible, de « petites mains », de métiers essentiels et une myriade d’entreprises de proximité, que l’illusion lyrique de la « Start-Up Nation » avait eu tendance à occulter…

Cette prise de conscience a remis en avant l’importance de l’engagement sociétal de l’entreprise, non seulement vis-à-vis de ses clients, qui attendent d’elle, plus que jamais, qualité, fiabilité et transparence, et aussi vis-à-vis de ses collaborateurs (autour d’un projet commun et de valeurs partagées), et de ses parties prenantes (fournisseurs, prestataires).

Cette exigence montante de « la responsabilité sociétale et environnementale » (RSE) de l’entreprise semble venir consacrer un mouvement de réflexion et d’impulsion lancé avec le rapport Notat-Senard en 2018 et l’adoption de la loi PACTE en 2019, incitant chaque société à se doter d’une « raison d’être ».

Dans une enquête menée récemment auprès de ses adhérents *,  le Centre des jeunes dirigeants, CJD, très en pointe en ce domaine, s’interroge:  « La crise incitera-t-elle nos adhérents à mettre en place ou renforcer la stratégie RSE de leur entreprise ? Parmi les 34% de répondants ayant mis en place une stratégie RSE avant la crise, 68% reconnaissent les bénéfices d’une telle stratégie pour la résilience de leur entreprise. Plusieurs initiatives sont citées : 28% des Jeunes Dirigeants interrogés citent l’axe de l’amélioration de la qualité de vie et des conditions de travail, près de 22% mentionnent leur politique d’achats responsables, suivi d’assez près par l’axe environnemental avec la valorisation des déchets (20%) et la réduction de l’impact environnemental des déplacements professionnels (15%). Gageons que ces chiffres inciteront les 66% de répondants n’ayant pas mis en place de stratégie RSE jusqu’à présent à le faire au sortir de la crise. »

Emeric Oudin, président du Centre des jeunes dirigeants d’entreprise

Lors de l’annonce du Plan de relance de 100 milliards d’euros, présenté cet automne par le gouvernement, le CJD s’était réjoui qu’il « lance un signal fort pour la transition écologique: convaincu que l’économie doit se transformer en profondeur pour faire face aux défis de la transition écologique et sociale, notre mouvement apprécie particulièrement l’effort financier conséquent en faveur de la transition écologique. »

Emeric Oudin, président du CJD, avait alors appelé de ses vœux que « le soutien financier de l’État soit apporté avant tout aux entreprises vertueuses, engagées dans la transition. La crise économique et sanitaire que nous traversons est une catastrophe à de multiples points de vue, nous ne pouvons passer à côté de l’opportunité majeure qu’elle nous offre néanmoins : celle d’accélérer le changement.« 

*Enquête réalisée par le CJD du 23 novembre au 7 décembre 2020, auprès 439 de ses adhérents.

 

  • Repositionnements stratégiques. Selon une enquête publiée fin novembre par Bpifrance Le Lab, la cellule d’études de la banque publique, les deux-tiers des entrepreneurs interrogés considèrent cette crise comme une occasion de saisir de nouvelles opportunités d’affaires ou de se repositionner : cette situation peut être  « l’occasion d’un rebond positif, d’une redéfinition des fondamentaux de l’entreprise et d’une nouvelle ambition pour l’avenir. Ainsi, 83 % des dirigeants ont affirmé que la crise du Covid-19 allait les inciter à accélérer le développement d’innovations. Ces transformations en période de crise peuvent aussi concerner l’activité même de l’entreprise : 76 % des interrogés projetaient de modifier leur modèle d’affaires pour gagner en performance dans les mois à venir...« 

Des indications qui rejoignent certains enseignements de l’enquête du CJD : au nombre des suggestions émises par les jeunes dirigeants interrogés, figurent notamment « le souhait de développer des collaborations et des alliances entre PME et TPE pour mutualiser les moyens et augmenter leur résilience ; de réfléchir à une nouvelle stratégie commerciale tant pour la conquête de nouveaux clients que pour leur fidélisation. »

 

>>> Dans un prochaine article, nous aborderons les changements dans les attitudes et modes de consommation : un consommateur plus exigeant, plus circonspect… et aussi contradictoire.