HOMMAGE
Maria Nowak, fondatrice de l’Adie, pionnière du micro-crédit pour entreprendre

Fondatrice de l’Adie pour aider les plus humbles à créer leur activité et à sortir de l’assistanat, Maria Nowak est décédée le 22 décembre.  Depuis sa création en 1989, l’Association pour le droit à l’initiative économique, Adie, a permis à près de 200 000 personnes sans ressources de lancer leur entreprise grâce à un microcrédit. S’inspirant de l’exemple de la Grameen Bank au Bangladesh, Maria Nowak a démontré que l’on pouvait concilier humanisme et libre entreprise. Elle a redonné fierté et dignité par l’entrepreneuriat à des dizaines de milliers de personnes qui ne pouvaient pas obtenir de crédit bancaire. Son action est un message d’espérance et ses successeurs poursuivent son sillon.

 

Maria Nowak (1935-2022), fondatrice de l’Adie (crédit photo : Adie)

Fondatrice de l’Adie, Maria Nowak est décédée dans la nuit du 21 au 22 décembre 2022.

Economiste de formation, née en Pologne en 1935, puis installée en France avec ses parents pour fuir l’occupant,  Maria Nowak travaille dans le secteur de l’aide au développement, notamment au sein de la Caisse française de coopération économique qui deviendra par la suite l’AFD. (lire infra)

Au contact du terrain, elle forge rapidement sa conviction que « les hommes et les femmes, quel que soit leur niveau d’éducation et de richesse, ont la capacité d’entreprendre pour peu qu’on leur en donne les moyens ».

Elle découvre l’exemple de la Grameen Bank au Bangladesh, première institution de microcrédit au monde, créée par Muhammad Yunus  (ce qui lui a valu d’obtenir le Prix Nobel de la Paix en 2006).

Cette « banque des pauvres » permet à de nombreuses femmes démunies de lancer leur commerce avec de petits sommes d’argent qu’elles parviennent à rembourser par leur activité et leur ingéniosité.

Dans la France socialiste de la fin des années 1980, on assiste à la montée inexorable du chômage qui dépasse les 2 millions de personnes et la pauvreté qui s’installe : en 1988, le Premier ministre Michel Rocard créé le RMI, Revenu minimum d’insertion (qui se transformera en RSA)…

Maria Nowak ne peut se résoudre à laisser enfermer les plus humbles dans le piège de l’assistanat.

Engagée alors au titre de l’AFD dans les projets d’expérimentation de la micro-finance, notamment au Burkina Faso et en Albanie, à partir de l’expérience de Muhammad Yunus, elle réalise qu’avec des petits prêts on peut redonner confiance et des perspectives d’avenir à des personnes sans emploi et sans capital, en leur permettant de créer leur propre entreprise.

Cette femme de conviction et de détermination décide de transposer cette expérience en France, mais elle ne trouve aucune ONG prête à se lancer avec elle dans l’aventure du micro-crédit pour entreprendre.

Il faut dire qu’à l’époque l’entrepreneuriat n’a pas la même cote qu’aujourd’ hui – le régime de l’auto-entrepreneur ne sera créé que vingt ans plus tard! Il subsistait dans les milieux associatifs et chez les militants de gauche une méfiance à l’égard de l’entreprise privée : on connaissait mal l’univers des TPE, des indépendants, des commerçants; on pensait qu’il n’y avait de véritable emploi que dans le cadre d’un CDI, que créer son entreprise était un pis-aller …

Qu’à cela ne tienne! Avec très peu de moyen, Maria Nowak créée l’Adie en 1989  pour démontrer que la création d’entreprise n’est pas réservée à ceux qui ont des diplômes, un capital ou des relations!

Je me souviens de ma première rencontre en 1990 ou 1991 avec cette femme à la fois réservée, mais dégageant une forte personnalité, pédagogue au phrasé si particulier, installée dans de modestes bureaux derrière le Canal Saint-Martin dans le 10ème arrondissement… Sans imaginer alors ce que deviendrait l’Adie, sa valeur d’exemple et son bilan impressionnant!

Elle assurera la présidence bénévole de l’Adie jusqu’en 2011, avant de devenir ensuite présidente d’Adie International contribuant ainsi à la naissance de plusieurs institutions de micro-finance hors de France, comme microStart, créé en Belgique avec BNP Paribas Fortis, Taysir en Tunisie et AFI en Grèce.

Deux ans plus tard, elle est détachée à la Banque mondiale à Washington pour élargir ce système à toute l’Europe centrale.

Après quoi, elle fonde et préside deux réseaux de micro-finance : le Centre de la Micro-finance , pour l’Europe et l’Asie Centrale (1996), et le Réseau Européen de la Micro-finance (2003) qui couvre les pays membres de l’Union européenne.

Maria Nowak et Catherine Barbaroux qui lui avait succédé à la présidence de l’Adie en mars 2011 (DR)

Catherine Barbaroux qui avait succédé à Maria Nowak à la présidence de l’Adie en 2011, nous l’avait rappelé en 2014, lors du lancement de la campagne « Il n’ y a pas d’âge pour entreprendre » : « Pour Maria Nowak, le talent entrepreneurial n’a rien à voir avec le niveau scolaire, l’origine sociale, l’âge… »

J.G.

L’ Adie aujourd’hui, un acteur incontournable parmi les réseaux d’accompagnement à l’entrepreneuriat

L’ Adie c’est:

  • Plus de 160 agences et 300 permanences en métropole et Outre-Mer
  • 1 850 salariés et bénévoles
  • 25 000 porteurs de projets conseillés chaque année
  • Plus 180 000 personnes financées depuis 1989

 

L’ Adie permet à des personnes exclues du marché du travail et du système bancaire classique de créer leur entreprise par des microcrédits, assortis de prêts d’honneur, de primes ou d’avances remboursables (de l’Etat ou des collectivités territoriales).

L’Adie accompagne ces micro-entrepreneurs avant, pendant et après la création de leur entreprise afin d’assurer la pérennité de leur activité.

L’ Association finance tout type d’activité professionnelle jusqu’à 12 000 €.

Diversité. Les consultants de l’Adie apportent un suivi personnalisé et gratuit à chaque porteur de projet. Parmi ceux-ci on trouve une diversité de métiers et de profils : restaurateur, coiffeur, designer, agent de voyage, chauffeur, développeuse de jeux vidéos, photographe, maraîchère, sophrologue, peintre, gérant d’épicerie, éleveuse de lamas…

84% des entreprises financées par l’Adie sont en activité 2 à 3 ans après leur création!

De façon générale, après avoir obtenu un financement de l’Adie, les entrepreneurs accèdent plus facilement aux services bancaires « classiques », qu’il s’agisse d’ouvrir un compte professionnel, de recourir à des découverts ou, pour certains, de demander un prêt.

Maria Nowak (1935-2022), fondatrice de l’Adie (DR)

« Maria Nowak était une femme d’exception, faite de force, de courage, de solidarité et de confiance inébranlable en notre humanité; sans jamais se payer de mots, elle a tant donné d’elle pour donner leur chance à ceux qui n’ont rien, que les mots manquent pour le dire. Ce qu’elle a construit et qu’elle nous a légué continuera de porter ses fruits, nous le lui promettons; et ce qu’elle à été continuera de nous inspirer, nous le savons. Merci Maria. »  Frédéric Lavenir, actuel président de l’Adie.

 

Née en 1935 dans la ville de Lviv, alors polonaise, aujourd’hui ukrainienne, Maria Nowak a quatre ans quand son pays est envahi par les troupes soviétiques puis allemandes. Parce que sa famille s’était engagée dans la résistance contre les nazis, l’enfant vit sa maison incendiée par l’occupant, son père, sa mère et sa sœur emmenés en déportation, ses deux cousins adolescents tués pendant l’insurrection de Varsovie. Maria passa d’un foyer d’accueil à l’autre, et ne retrouva l’espoir qu’avec l’exil, lorsque la fin de la guerre sonna la libération de ses parents. Persona non grata à Lviv, où le régime soviétique voyait d’un mauvais œil son passé résistant, la famille Nowak s’installa à Paris, rue des Écoles, sans ressources, et sans parler un mot de français.

Aussi les premières années parisiennes de la jeune Maria Nowak furent-elles difficiles ; mais elle obtint une bourse, qui lui permit d’étudier à Sciences Po Paris et à la prestigieuse  London School of Economics.

Après son voyage d’études en Guinée et sa thèse sur l’économie rurale, elle intègre alors à la Caisse centrale de coopération économique, future Agence française de développement.

Et puis il y eut sa rencontre décisive avec Muhammad Yunus, fondateur de la Grameen Bank dont elle transpose l’expérience originale de diffusion du microcrédit en Afrique de l’Ouest, avant de créer l’Adie en France en 1989.

Signalons aussi qu’elle a été de 2000 à 2002, conseillère spéciale de Laurent Fabius au ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.

Maria Nowak est l’autrice de plusieurs ouvrages et notamment : la  « Banquière de l’Espoir » (Albin Michel, 1994),  « On ne prête (pas ) qu’aux riches «  (J-C. Lattès, 2005) et « l’Espoir Économique » (J-C. Lattès 2010).

Docteur Honoris causa de l’Université de Louvain, elle a été élevée à la dignité de Grand Officier de la Légion d’honneur et Commandeur de l’Ordre du Mérite.

Consulendo adresse à ses proches ainsi qu’aux équipes de l’Adie ses sincères condoléances.